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Panneaux solaires : à quoi jouent la Chine et l'Union européenne ?

Bruxelles maintient ses taxes sur les panneaux solaires, Pékin réplique en lançant une enquête sur les vins européens. Décryptage avec l'économiste Jean-Marc Siroën.

Article rédigé par Marie Deshayes
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des panneaux solaires sur le toit d'une tribune du stade Geoffroy-Guichard, à Saint-Etienne, en 2007. (JEFF PACHOUD / AFP)

La Commission européenne a tranché. A partir du 6 juin, elle va instaurer des taxes provisoires sur les panneaux solaires chinois au taux de 11,8%. Ce taux passera deux mois plus tard à 47,6% en moyenne, si la Commission ne parvient pas à trouver un accord avec Pékin. La Chine a répliqué immédiatement : elle doit lancer une enquête antidumping sur les vins importés de l'Union européenne.

Francetv info fait le point sur ces mesures avec Jean-Marc Siroën, professeur de sciences économiques à l'université Paris-Dauphine.

Francetv info : "Ce n'est pas une mesure protectionniste", a assuré le commissaire européen chargé du commerce, Karel De Gucht, en parlant de la taxe sur les panneaux solaires chinois. Etes-vous d'accord ?

Jean-Marc Siroën : Ce n'est pas forcément du protectionnisme au sens général et classique du terme. Mais c'est en tout cas une mesure de protection tolérée par l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle est légitimée par une concurrence considérée comme anormale, en l'occurrence des prix anormalement bas sur les panneaux solaires chinois [la Commission estime qu'à leur juste valeur, leur prix de vente en Europe devrait être supérieur de 88% à celui pratiqué actuellement]

Les mesures antidumping sont beaucoup moins utilisées aujourd'hui qu'il y a une quinzaine d'années. Mais tous les ans, un certain nombre de de ces mesures sont prises contre des importations, comme c'est le cas actuellement. Cette taxe sur les panneaux solaires n'est donc pas si exceptionnelle.  

Pékin a déjà répliqué en annonçant une enquête sur les vins européens. Y a-t-il un risque d'engrenage ? 

La Chine aura la possibilité de porter plainte auprès de l'OMC, ce qu'elle va sans doute faire. Elle l'a déjà fait dans des cas similaires. Et c'est l'OMC qui tranchera.

Le risque d'engrenage existe toujours, mais pour l'instant il ne s'est pas manifesté. Ce n'est pas un évènement extraordinaire. Mais effectivement, compte tenu du caractère écologique et du débat qui l'entoure, il y a un aspect médiatique plus important qu'une multitude d'autres droits [taxes] antidumping qui sont adoptés par ailleurs par l'Union européenne. 

Les Etats-Unis avaient déjà taxé les panneaux solaires chinois, bien plus que l'Union européenne. Qui va tirer son épingle du jeu ? 

Le but des droits antidumping est de protéger la production dans les secteurs menacés par une concurrence jugée déloyale. Mais les effets sont difficiles à évaluer à court terme. Pour l'instant, les parts de marché sont en train de se dessiner, d'où la tentation d'utiliser les droits antidumping.

Même en Chine, des fabricants de panneaux solaires ont fait faillite. C'est un secteur qui peine à s'imposer, ce qui est paradoxal car on pourrait penser qu'il a de l'avenir. Les constructeurs allemands et français ont aussi eu quelques difficultés. Est-ce que la France et l'Europe ont la capacité de développer, dans les deux ou trois prochaines années, une industrie de panneaux solaires qui soit compétitive et qui n'ait plus besoin de droits antidumping pour survivre ? Je ne peux pas l'affirmer. 

La crise économique a-t-elle favorisé le protectionnisme ? 

La crise a cinq ans et on n'a pas constaté une envolée du protectionnisme, contrairement à ce qui s'est passé dans les années 1930. On observe certes un certain repli protectionniste, surtout en France, mais le débat lancé pendant la campagne présidentielle en 2012 rencontre moins d'écho maintenant. On s'est aperçu que le problème était plus complexe, puisqu'il n'existe plus vraiment de produits industriels "made in France", dont la valeur ajoutée est française à 80 ou 90%. On a compris qu'une Toyota pouvait être davantage "made in France" qu'une Renault. L'évolution du commerce international et la spécialisation des économies incite de plus en plus à importer les biens intermédiaires (les composants). Ce qui fait que les produits achevés en France, labellisés "made in France", peuvent finalement comporter moins de travail incorporé qu'un produit importé qui aurait utilisé des composants français. 

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