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Nuit Debout: les questions que se pose la presse internationale

Le mouvement Nuit Debout intéresse (un peu) la presse étrangère. Qui fait un rapprochement avec Podemos en Espagne et Occupy Wall Street aux Etats-Unis. Certains journaux y voient la main de l’extrême gauche. Mais d’autres s’interrogent sur la signification du phénomène.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Partisans de Nuit Debout place de la République à Paris, le 8 avril 2016. (Reuters - Philippe Wojazer)

Nombre de titres de la presse internationale zappent carrément Nuit Debout tel The Economist britannique. Seule allusion au mouvement, né place de la République à Paris, consenti par le très libéral et très mondialisé hebdomadaire: «Des mouvements de sit-ins, apparus en Espagne et s’étendant désormais en France, montrent l’exaspération (des citoyens) face à de grosses organisations partisanes fatiguées», comme le Parti socialiste. On notera qu’aucun nom n’est cité. Et l’on n’en saura pas plus !

Dans le même article (qui est d’ailleurs un éditorial), l’hebdo s’intéresse bien plus au ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, comme nombre de ses confrères européens. Lequel Macron «apporte une nouvelle réflexion» au sein du monde politique français. Notamment sur la nécessité de «dépasser le clivage gauche-droite».

Retour à Nuit Debout. Le mouvement «s’essaie à la révolte», ironise le journal allemand conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung«La gauche jubile, la droite s’époumone et le gouvernement (de Manuel Vals) tremble. Mais au-delà, s’agit-il d’une révolte démocratique? De ce point de vue, le fait que le philosophe Alain Finkielkraut ait été maltraité (sur la place de la République) est un mauvais signe», ajoute le quotidien. Dans ce contexte, «les extrémistes de gauche et les radicaux verts (…), qui ont clairement dit qu’ils étaient prêts à recourir à la violence, encourent le reproche de ne pas être des démocrates.»

Les mésaventures de l’essayiste retiennent souvent l’attention des observateurs étrangers. «Mr Finkielkraut a raison. Il y a du charlatanisme dans Nuit Debout. Le mouvement n’est pas sans direction, comme il l’affirme. Les principaux ‘‘nuitdeboutistes’’ viennent des différentes tribus de l’extrême gauche française», observe le quotidien britannique The Independent (de tendance centriste). A ses yeux, le philosophe «a raison quand il explique que certains des principaux médias hexagonaux ont survendu le mouvement en le présentant comme une révolte romantique et représentative, émanant de citoyens à l’esprit ouvert, contre la corruption et le pouvoir de quelques-uns».

«Gesticulations des gouvernements»
Pour autant, Nuit Debout «continue de grossir. De grossir lentement mais sûrement», explique The Independent. Et d’observer que le mouvement «surfe sur la même vague de large colère» que Jeremy Corbyn (leader du Parti travailliste en Grande-Bretagne), Bernie Sanders aux Etats-Unis ou Podemos en Espagne. On y trouve aussi «des échos de l’histoire sociale française, notamment le mouvement étudiant de mai 68», analyse, de son côté, le New York Times. Même si à certains moments, comme le 8 avril 2016, «l’atmosphère place de la République (ressemble) plus à Woodstock qu’à une révolution avec des barricades».  

Quoiqu’il en soit, si l’on parle avec «ceux qui viennent (sur la place) plus par curiosité que par engagement», «on les entend récriminer contre les gesticulations des gouvernements, l’arrogance des banques, l’austérité, les comptes off-shore, les bas salaires pour la majorité et les revenus astronomiques pour une minorité». Et d’ajouter : «On ne peut pas rayer Nuit Debout d’un trait de plume. C’est le symptôme d’une colère et d’une détresse sociales diffuses en France, mais pas qu’en France», ajoute le journal britannique.

Même analyse de la part de Die Zeit («journal hebdomadaire de l’intelligentsia allemande»). «Le point de départ du mouvement, ce sont les réformes économiques libérales du gouvernement (Vals). Mais comme toujours dans ce genre d’affaire, cela va beaucoup plus loin : (ce mouvement s’exprime) contre une politique sans projet, celle du ‘‘On continue comme ça’’, contre l’Europe de l’austérité et aussi, d’une certaine manière, en faveur d’un monde meilleur.»

Un tel phénomène a-t-il un avenir ? «Ses effets potentiels sont difficilement quantifiables. Ils prennent des détours qui ne sont pas toujours visibles», répond Die Zeit. Et d’ajouter : «Sans le mouvement Occupy-Wall-Street, le succès étonnant de la campagne de Bernie Sanders lors des primaires démocrates américaines aurait été absolument impossible» ; et celui des Indignés en Espagne «a apporté une énergie politique qui a eu des conséquences tout à fait considérables» sur la situation politique du pays. De quoi donner de l’espoir aux «nuitdeboutistes»?

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