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Traversées de migrants dans la Manche : "Ils m’ont arraché le tableau électrique pour démarrer le bateau avec les fils" raconte un pêcheur

De plus en plus de migrants tentent de traverser la Manche depuis la Côte d’Opale. Au port de Boulogne-sur-Mer, les passeurs ont fait leur apparition et des vols de bateaux ou de matériel ont été constatés.

Article rédigé par franceinfo, Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Dans le port de Boulogne-sur-Mer, les pêcheurs mettent désormais leur bateaux à l'abri, pour éviter de se les faire voler par des passeurs ou des migrants. (Image d'illustration) (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

"Mesure de prudence, face aux vols de navire et traversées illégales de migrants", prévient une affichette placardée depuis quelques jours dans les commerces du port de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Car la Côte d’Opale est devenue le théâtre de périlleuses traversées de migrants en fin d’année 2018. Il y a eu près de 60 départs de bateaux ces deux derniers mois… c’est quatre fois plus que sur toute l'année 2017. Plus de 500 migrants auraient tenté leur chance et plus de la moitié ont atteint les côtes britanniques.

Des passeurs pas très discrets

Hervé Sailly tient une boutique d'accastillage à Boulogne-sur-Mer. L'été dernier, l'autocollant de sa société a été retrouvé sur un bateau qui transportait des migrants en Angleterre. Rétrospectivement, il se souvient d'un client un peu particulier, arrivé "avec une berline allemande" et qui lui avait parlé en anglais. "On a réparé le bateau, se remémore le commerçant, il n’y avait pas de matériel de sécurité, pas de sondeurs alors que le gars voulait soi-disant aller à la pêche. Bon, il s’est avéré après que c’était un passeur." Depuis, Hervé Sailly a assisté à une réunion en sous-préfecture, il essaie d’être vigilant, mais redoute, d’un autre côté, le délit de faciès.

"C’est un stress permanent"

Alors dans les bassins du port, passeurs et migrants occupent souvent les esprits. Ces deux derniers mois, deux fileyeurs (des bateaux de pêche qui déposent des filets au fond de l’eau et reviennent plus tard les relever) ont été volés pour des traversées. Et une bonne dizaine d'autres a fait l'objet de tentatives de vol. "Ils ont ouvert la porte et ils m’ont arraché le tableau électrique pour démarrer le bateau avec les fils", témoigne Laurent Geoffrey.

"Le carreau était fissuré, on a dû remettre un canon et une poignée neuve sur la porte et maintenant quand on est à la maison on se dit ‘est-ce que demain matin le bateau sera là pour aller remonter nos filets ?’. C’est un stress permanent", affirme le professionnel.

Les pêcheurs en premiers secours en mer

Désormais, les pêcheurs mettent leurs navires à l'abri dans un bassin fermé. Il est également question d'embaucher des vigiles pour surveiller le quai. Malgré tout, Mickaël Baillé, patron du Providence, a du mal à en vouloir à ceux qui se lancent dans ces traversées très dangereuses pour rejoindre les côtes anglaises. "On ne le tenterait pas nous, reconnaît-il. C’est vraiment qu’ils sont désespérés pour tenter la traversée. Ils sont plus en sécurité avec nos bateaux c’est sûr, qu’avec des pneumatiques. Ils prennent énormément de risques, ça doit pas être marrant pour eux non plus."

Et les marins pêcheurs sont souvent les premiers à constater ces prises de risques inconsidérées. Ils se retrouvent parfois en première ligne en mer, face à des migrants en perdition sur de frêles embarcations. Ce sont eux qui restent à leurs côtés en attendant les secours.

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