Que risquent les maires qui ne veulent accueillir "que des réfugiés chrétiens" ?
Plusieurs avocats, interrogés par francetv info, estiment qu'il s'agit bien d'une discrimination en lien avec la religion.
Leurs propos en ont fait bondir plus d'un, et ont aussitôt été condamnés par le Premier ministre, Manuel Valls. Alors que la France s'est engagée à accueillir 24 000 réfugiés dans les deux prochaines années, plusieurs maires ont fait savoir qu'ils ne voulaient accueillir "que des chrétiens".
Parmi eux, le maire (Les Républicains) de Roanne (Loire), Yves Nicolin a affirmé que cela lui permettrait "d'avoir l'absolue certitude que ce ne sont pas des terroristes déguisés". Son collègue (LR) de Belfort, Damien Meslot, a expliqué qu'il préférait "accueillir ceux qui sont les plus persécutés". Quant au maire (divers-droite) de Charvieu-Chavagneux (Isère), Gérard Dezempte, il a déclaré que sa commune était prête à accueillir des réfugiés "à la condition expresse que ce soit une famille chrétienne", car les chrétiens "ne mettent pas en danger la sécurité d'autrui, (...) ne procèdent pas à la décapitation de leur patron". Une allusion à l'assassinat commis par Yassin Salhi, qui a tué et décapité son patron avant d'attaquer une usine chimique à Saint-Quentin-Fallavier, non loin de Charvieu-Chavagneux, fin juin.
Une discrimination qui peut être punie de cinq ans de prison, si elle est effective
Ces propos peuvent-ils être poursuivis pénalement ? Ils sont "absolument contraires à toutes les conventions internationales", assure Serge Slama, maître de conférences en droit public à Paris Ouest-Nanterre. Il rappelle que la Convention de Genève de 1951 stipule que les Etats signataires en appliqueront les dispositions "sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d'origine".
Interrogé par francetv info, Jean-Louis Chalanset, avocat parisien qui a défendu des réfugiés politiques, estime qu'il s'agit bien "d'une discrimination au sens de l'article 225-1 du Code pénal" : "Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine (...) de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée". Il s'agit ici, précise-t-il, "d'une distinction faite en raison de l'appartenance ou non à une religion", que "le procureur peut poursuivre". Selon Serge Slama, il faut combiner l'article 225-1 avec l'article 432-7, qui en est issu, et interdit "le refus discriminatoire d'un droit accordé par la loi par une personne dépositaire de l'autorité publique". Sanction encourue : "cinq ans d'emprisonnement et 75000 euros d'amende".
Pour Henri Leclerc, ex-président de la Ligue française des droits de l'homme, également interrogé par francetv info,"nous en sommes pour l'instant à la communication, qui ne constitue pas une infraction à la liberté d'expression. Mais si le maire met en œuvre cette décision de ne prendre que des réfugiés chrétiens, il s'agit d'une infraction. En outre, sa décision est totalement nulle, et le préfet peut donc l'annuler."
"Cela en rajoute dans l'amalgame"
Questionné à propos de la phrase du maire de Charvieu-Chavagneux (Isère), estimant que les chrétiens "ne procèdent pas à la décapitation de leur patron", Henri Leclerc juge qu'il n'y a pas d'infraction supplémentaire au sens pénal : "Il dit 'les chrétiens ne sont pas des salauds'. Il ne dit pas : 'les autres le sont'."
"Si cela ne change rien au sens pénal, ça en rajoute dans l'amalgame fait entre musulman et terrorisme, déplore Michel Tubiana, président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme, également interrogé par francetv info. Et cela procède d'une forme de déshumanisation de ces populations."
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