Paris : des élus Les Républicains expulsent eux-mêmes des réfugiés installés dans un gymnase
Un témoin de la scène évoque, dans un mail consulté par francetv info mercredi, l’agressivité de Jean-François Lamour et Philippe Goujon, et les insultes. De leur côté, les deux élus du 15e nient toute violence.
Le 15e arrondissement de Paris a été le témoin d'une scène étonnante, mercredi 29 juin. Des élus du parti Les Républicains ont joué au service d'ordre en expulsant d'un gymnase des migrants soudanais, érythréens et maliens, installés sur place à la suite de l'évacuation du campement de la halle Pajol dans le 18e arrondissement. Plus de 1 000 personnes sur le campement ont besoin d'un logement et les autorités les ont réparties dans 70 centres d'hébergement à Paris et en banlieue, mais aussi dans le gymnase des Cévennes, dans le sud du 15e arrondissement.
Mis au courant par le bouche-à-oreille, selon leurs dires, les élus de l'arrondissement ont vu rouge. Un peu avant 10 heures, le député LR Jean-François Lamour embarque donc dans sa voiture Philippe Goujon, député-maire LR de l'arrondissement, pour se rendre au gymnase afin de s'opposer à l'installation des migrants. Le ton monte avec les responsables associatifs et les fonctionnaires de la mairie présents sur place. Un témoin de la scène évoque, dans un mail consulté par francetv info, l’agressivité des élus et les insultes : "Il [Philippe Goujon] s'est adressé à l’ensemble des gens sur place comme à des chiens, sans aucune politesse."
"Des coups de pied dans les baluchons"
Les élus finissent par mettre les migrants à la porte. Philippe Goujon "est monté dans le gymnase en hurlant après tous les gens qu’il croisait et a commencé à faire sortir avec perte et fracas les migrants, 'shootant' dans leurs affaires entreposées au sol", poursuit ce témoin. Les réfugiés, évacués, partent alors mettre leurs affaires dans un coin du parc André-Citroën, situé à proximité.
Anne Hidalgo a dénoncé le comportement des élus de l'arrondissement. "Nous sommes dans un Etat de droit : lorsqu'une décision préfectorale est prise, celle-ci doit pouvoir s'appliquer. La liberté d'opinion est une chose, ne pas respecter les représentants de l'Etat en est une autre", a réagi la maire de Paris dans un communiqué.
Cette attitude est inadmissible, d'autant plus de la part d'élus qui ont un devoir d'exemplarité.
Anne Hidalgo évoque également les "mots vifs" prononcés envers les réfugiés et les "coups de pied qui auraient été donnés dans leurs baluchons". Même la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, s'est émue de la situation sur Twitter, réclamant la réquisition du gymnase et appelant à la solidarité.
Accueillir les migrants et toutes les personnes démunies est un devoir inconditionnel qui requiert la solidarité de toutes et tous
— Emmanuelle Cosse (@emmacosse) 29 juin 2016
"A la limite de la xénophobie"
De leur côté, les élus du 15e se défendent et nient toute violence. "Il n'y a eu aucun coup échangé, juste des propos véhéments. Disons qu'on a fait entendre notre voix, explique à francetv info Jean-François Lamour. On leur a juste demandé de partir." Selon le député LR de l'arrondissement, la colère des élus est justifiée car ni la mairie de Paris, ni le préfet n'ont prévenu que l'enceinte sportive allait être réquisitionnée : "On nous a mis devant le fait accompli", déplore-t-il.
Une information démentie par l'entourage d'Anne Hidalgo : "C'est faux, ils ont été prévenus avant l'arrivée des migrants", assure cette source interrogée par francetv info. Pour cette dernière, il s'agit uniquement d'un prétexte utilisé par les élus de droite : "Ils ne veulent pas de migrants dans leur arrondissement, c'est tout. Ils ont une attitude franchement scandaleuse, on est à la limite de la xénophobie."
"On marche sur la tête"
"Injecter dans un gymnase, sans préparation, des centaines de personnes, ce n'est pas possible", répond de son côté Philippe Goujon, interrogé par l'AFP. "On marche sur la tête avec cette décision, le gymnase est en face d'une école et devait accueillir des activités sportives…" ajoute Jean-François Lamour.
Cette décision montre bien que la ville de Paris est totalement dépassée par les événements.
Jean-François Lamour dénonce aussi l'hypocrisie de cette décision, qui consiste, selon lui, à héberger les migrants pendant quelques jours, le temps de faire baisser la pression à la halle Pajol, avant de les renvoyer dans la nature : "Le préfet m'a dit : 'Vous les accueillez trois jours et après ils retourneront à la halle Pajol'." Les autorités peinent effectivement à trouver une solution durable pour ces migrants. L'évacuation de la halle Pajol est la 25e intervention du genre à Paris en un an. En attendant une solution pérenne, la mairie de Paris indique qu'un autre gymnase va être réquisitionné dans le 15e arrondissement pour accueillir les migrants.
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