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"Nous étions 15 sur le bateau et je suis le seul en vie" : un Ethiopien raconte l'enfer à bord d'un canot parti de Libye

Selon son récit, c'est le carburant qui a manqué en premier, puis la nourriture, puis l'eau. Il a alors fallu jeter les corps des morts, plus nombreux chaque jour.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un migrant allongé sur le corps d'un de ses camarades morts durant la traversée de la Méditerranée, le 12 août 2019, au large de Malte. (MALTA ARMED FORCES / AFP)

Son calvaire a duré 11 jours. Un Ethiopien secouru dans un état critique, lundi 12 août, sur un petit canot parti de Libye a raconté à Malte l'enfer à bord et la mort lente de ses 14 compagnons de voyage. "Nous étions 15 sur le bateau et je suis le seul en vie. Dieu a envoyé les Maltais me sauver", a expliqué Mohammed Adam Oga, 38 ans, dans un entretien au Times of Malta (en anglais), réalisé sur son lit d'hôpital.

Membre d'un groupe rebelle en Ethiopie, il raconte avoir fui il y a 15 ans en Erythrée puis au Soudan. Sur les conseils d'amis installés en Allemagne, il a récemment rejoint la Libye pour tenter de les rejoindre en Europe. Pour 700 dollars (630 euros), il a embarqué, le 1er août, à bord d'un petit canot pneumatique bleu. Avec lui, deux Ghanéens, dont une femme enceinte, deux Ethiopiens et dix Somaliens. Le passeur "nous a donné un GPS et nous a dit 'Allez à Malte'".

Selon son récit, c'est le carburant qui a manqué en premier, puis la nourriture, puis l'eau. "Nous avons commencé à boire l'eau de mer. Au bout de cinq jours, deux personnes sont mortes. Ensuite, il y a eu deux morts chaque jour", raconte l'homme au crâne dégarni et à la courte barbe.

Des bateaux "passaient sans s'arrêter"

"Nous avons vu beaucoup de bateaux. Nous avons crié 'Au secours, au secours !'. Nous leur faisions des signes mais ils passaient sans s'arrêter. Un hélicoptère aussi est passé et reparti", dénonce-t-il. Avec la chaleur, l'odeur des corps est vite devenue insupportable. Aussi Mohammed et Ismail, un Somalien qu'il avait rencontré en Libye, les ont-ils jetés à l'eau un à un, jusqu'à rester seuls à bord.

L'homme affirme que son dernier compagnon a fini, par désespoir, par jeter à la mer leurs téléphones et leur GPS. "Détruisons tout et mourrons ensemble", lui a lancé Ismail. "Si tu veux mourir, meurs seul, lui a répondu Mohammed. Je ne veux pas mourir." 

Sur son lit d'hôpital, Mohammed n'a pas souvenir d'avoir vu Ismail périr à son tour. Il ne se souvient pas non plus de l'arrivée de la marine maltaise, prévenue par un avion de l'agence européenne Frontex qui avait repéré le petit canot bleu. Transporté en hélicoptère, il s'est réveillé dans un hôpital de Malte, gravement déshydraté.

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