Naufrages de migrants : les sauveteurs en mer de Dunkerque, entre "frustration" et sentiment du "travail accompli"
L’an dernier, plus de 28 000 migrants ont effectué la périlleuse traversée de la Manche pour rejoindre l’Angleterre, un chiffre record. Les secouristes de la SNSM, tous bénévoles, demandent l'aide de l'État.
La mer est calme, le soleil est au rendez-vous, jeudi 13 janvier. Alain Le Daguénel, président de la station de la SNSM (sauveteurs en mer) de Dunkerque (Nord), parle d'"un temps de migrant" : "Ce sont les conditions idéales pour des tentatives de traversée même avec leurs engins qui ne sont pas des bateaux. C'est de l'assassinat de partir en mer avec ça". Le secouriste, retraité de la marine marchande, nous montre une sorte de grande bouée, "ils montent à 50 là-dedans".
"C'est sans fin"
En 2021, plus de 28 000 migrants ont effectué la périlleuse traversée de la Manche pour rejoindre l’Angleterre, soit trois fois plus qu’en 2020, un record. Parmi eux, on compte notamment les 27 victimes d'un naufrage survenu le 24 novembre au large de Calais. Les sauveteurs en mer de la SNSM, tous bénévoles, ont, eux, secourus 813 personnes. "Depuis septembre, on ne sort que pour les migrants, c'est sans fin. Je vais vous dire un truc qui n'est vraiment pas drôle : dans les victimes du 24 novembre, il y a toute une famille qu'on avait récupérée dix jours avant. Ça nous a déchirés."
Nous quittons le port de plaisance pour le centre ville de Dunkerque. Aymeric de Broucker, canotier à la SNSM depuis 20 ans, nous ouvre les portes de son cabinet d'assurance : "Quand on les ramène tous, on est quand même satisfaits. On a la sensation du travail accompli. Après, il y a quand même une certaine frustration de les voir repartir mouillés, dans le froid, parfois en pleine nuit. C'est assez compliqué psychologiquement de le vivre."
"Nous, quand on les ramène, c'est que pour eux c'est un échec de leur tentative de traversée."
Aymeric De Brouckerà franceinfo
La station de la SNSM de Dunkerque fonctionne avec 32 bénévoles au total dont trois médecins. Le docteur Charles Hudelo, cardiologue, est marqué par ces sauvetages et il aimerait d’avantage de soutient de la part de l’État : "Aller récupérer un nourrisson de trois mois en pleine mer, la nuit, quand la maman vous regarde les yeux hagards en vous présentant son biberon vide, ça vous touche... La sauvegarde de la vie humaine est gratuite, on ne touche rien. Ce sont des heures et des heures de carburant que nous payons aux frais de l'association."
La station de Dunkerque n’est plus dimensionnée pour faire autant de sauvetages. Le souhait de la SNSM est donc que l’État puisse prendre en charge à 100% le coût de fonctionnement de ses missions.
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