Cet article date de plus de trois ans.

Migrants de Calais : "Ce n'est pas une option de traiter dignement les personnes exilées, c'est une obligation", rappelle Human Rights Watch

Dans un rapport publié ce jeudi, l'ONG dénonce les "traitements dégradants des autorités françaises" envers les migrants. "Ces traitements sont contraires aux obligations de la France", assure Bénédicte Jeannerod.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La police supervise l'évacuation d'un camp de migrants sur la route de Saint-Omer près de Calais, dans le nord de la France, le 4 juin 2021. (DENIS CHARLET / AFP)

Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch, a dénoncé ce jeudi 7 octobre sur franceinfo les "traitements dégradants de la part des autorités françaises" contre les migrants exilés à Calais (Pas-de-Calais) alors que l'ONG publie un rapport dénonçant les pratiques policières. "Ce n'est pas une option pour la France de traiter dignement les personnes exilées, c'est bien une obligation au regard du droit français et au regard du droit international", a-t-il indiqué.

franceinfo : Que vous disent les migrants ?

Ce qu'on documente de manière très détaillée dans le rapport, c'est ce qu'on appelle des traitements dégradants de la part des autorités françaises qui se manifestent par des expulsions forcées routinières. Pratiquement tous les deux jours, les personnes migrantes sont forcées de quitter le terrain où elles se trouvent. Des forces de police et les équipes de nettoyage qui sont employées par l'État confisquent très souvent les tentes, les bâches, les sacs de couchage et parfois détruisent ces maigres abris ainsi que confisquent et parfois détruisent d'autres effets personnels des personnes exilées qui se retrouvent dans un complet dénuement. Ils [les migrants] se retrouvent dehors, sans abri, avec des difficultés extrêmes pour accéder à des distributions de nourriture et accéder à de l'eau, avec une hygiène absolument déplorable du fait des obstacles. Cela concerne non seulement les adultes, mais aussi les enfants migrants non accompagnés. Ces conditions sont particulièrement difficiles pour les femmes et les filles, qui se trouvent aussi dans ces campements de fortune soumis à ces expulsions forcées quasi quotidiennes.

Vous dénoncez des restrictions de l'aide humanitaire. Vous l'avez constaté ?

Oui. Cela devient extrêmement difficile de travailler pour les organisations qui sont sur place. Cela n'est pas nouveau. Cela a déjà été mis en avant par les organisations déjà qui travaillent sur place, les bénévoles qui sont très souvent sujets de contrôles d'identité pour des motifs injustifiés ou qui reçoivent des amendes pour des motifs complètement fallacieux, comme des pneus insuffisamment gonflés ou un dysfonctionnement d'un essuie-glace. Des arguments qui vont être trouvés par les forces de police pour en fait essayer de restreindre ou d'empêcher les distributions d'assistance. Cela rend aussi extrêmement difficile l'accès des personnes exilées à ces services absolument essentiels. On a d'un côté un harcèlement policier qui s'exerce à l'encontre des migrants, y compris les enfants migrants non accompagnés, et des restrictions drastiques sur l'accès à l'aide. Tout cela crée une situation extrêmement critique, précaire, où des personnes se retrouvent dans un extrême dénuement, dans une extrême désolation, à errer dans des conditions très, très difficiles et à être privées de services absolument essentiels. Ces traitements sont contraires aux obligations de la France. Ce n'est pas une option pour la France de traiter dignement les personnes exilées. C'est bien une obligation au regard du droit français et au regard du droit international. Nous appelons les autorités françaises à cesser ces pratiques abusives, à cesser cette politique du zéro point de fixation qui aboutit à une invisibilisation et à ce que le Défenseur des droits a appelé l'année dernière à une traque des migrants qui est absolument indigne.

Dans votre rapport vous pointez le Royaume-Uni. Avez-vous des recommandations à lui faire ?

Nous avons de nombreuses recommandations [à faire], en premier lieu aux autorités françaises puisque tout cela se déroule sur le territoire français. Mais on a évidemment des recommandations aussi très fortes à faire au Royaume-Uni. On appelle le Royaume-Uni à mettre en place des voies légales et sûres pour permettre à ces exilés, et notamment aux enfants, de pouvoir se rendre en Angleterre de manière légale. On voit que ces pratiques sur le territoire français et le blocage des autorités du Royaume-Uni n'empêchent pas les traversées irrégulières de la Manche. Au contraire. En fait, on assiste à un pic de ces traversées extrêmement dangereuses. On a évidemment aussi des recommandations au niveau de l'Union européenne pour qu'il y ait la mise en place d'un système réel, effectif de responsabilité partagée pour la prise en charge des personnes qui se rendent en Europe et que la pression qui s'exerce sur les pays de première entrée, mais aussi sur les pays les plus attractifs en termes de destinations, fasse l'objet d'une meilleure répartition et d'une meilleure responsabilisation au niveau européen.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.