L'ONG de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch "déçue" par Emmanuel Macron
En revanche, les nationalismes et populismes en Europe ont suscité des contre-attaques citoyennes qui "donnent espoir" à l'association.
L'ONG Human Rights Watch (HRW) a livré jeudi 17 janvier son rapport annuel sur le respect des droits humains dans le monde. Bénédicte Jeannerod, directrice France de HRW, a salué les "résistances fortes" de la société civile en Europe contre "des autocrates et des populistes nationalistes" notamment en Pologne et en Hongrie. L'ONG se dit en revanche "déçue" par la France qui n'est pas au niveau des attentes, en matière de diplomatie. Sa politique intérieure, notamment vis-à-vis des migrants, est aussi dénoncée par Human Rights Watch.
franceinfo : 2018 est-elle l'année des résistances citoyennes ?
Bénédicte Jeannerod : Face à une tendance lourde dans la progression des autocrates et des populistes nationalistes, on voit qu'elle a engendré des résistances fortes de la part de la société civile et d'un certain nombre d'États. Ces nationalistes et ces populistes ont suscité des contre-attaques. En Hongrie et en Pologne, des gens sont massivement descendus dans la rue pour protester contre un certain nombre de réformes. En Pologne, des juges ont refusé de quitter leur poste alors que le pouvoir voulait se débarrasser d'eux. Des initiatives au sein de l'Union européenne par l'activation du fameux article 7 pourraient aboutir à des sanctions politiques contre la Pologne et la Hongrie (...) Ce sont des exemples au sein de l'Union européenne qui sont assez revigorants et qui donnent espoir. Cela montre que la contre-offensive est très importante contre les rhétoriques nationalistes de l'intolérance de la haine et de la division.
La situation en France n'est quand même pas comparable à la Pologne ou la Hongrie ?
La France n'est pas la Hongrie, bien heureusement. Le président Macron a été élu sur une rhétorique qui n'était pas du tout celle de Viktor Orban et même d'autres nationalistes. Il est arrivé à vaincre l'extrême droite sans aller marcher sur le terrain de l'extrême droite. C'est quelque chose de tout à fait remarquable. Maintenant, il faut que cela se traduise réellement dans les actes. Il y a une urgence politique à apporter des réponses au long terme à cette colère sociale qui s'exprime afin qu'elle ne profite pas à des mouvements plus nationalistes.
La France est-elle une bonne élève ?
Sur le plan diplomatique, on est déçus, en fait. Il y a un tel niveau d'attente vis-à-vis de la France dans cet environnement mondial qui est bouleversé. Le président Macron a fait des discours très forts, très inspirants sur la défense des principes, du multilatéralisme. Or, fort est de constater que ces principes ne sont pas mis en œuvre dans la diplomatie française. Je pense à la relation très forte que la France a avec le président al-Sissi en Égypte. Sous le président al-Sissi, des abus massifs sont commis. Il y a une politique antiterroriste qui est extrêmement problématique et qui est source d'abus à grand d'échelle (...) La France perçoit l'Égypte comme un partenaire clé dans la région, mais ce n'est pas une raison pour fermer les yeux ou pour apporter un soutien aveugle à un régime qui réprime sa société civile qui met en prison ses journalistes et qui traduit des civiles devant des tribunaux militaires.
Quel est son bilan sur le plan intérieur ?
Il y a des évolutions avec la nouvelle loi contre les violences sexuelles et sexistes. Il y a un certain nombre de points qui sont discutables, mais cette loi est vraiment une avancée (...) En revanche, on est très critiques vis-à-vis de l'asile et du traitement des personnes migrantes et des demandeurs d'asile. D'abord parce qu'une loi durcit les conditions d'accès à l'asile et c'est problématique et en plus sur le traitement des migrants, notamment les enfants migrants sur le territoire national, c'est aussi une situation indigne de la France.
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