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Margot Wallström, la très peu diplomatique voix de la Suède

Elle est la bête noire d'Israël. D’ailleurs, le gouvernement vient de la déclarer persona non grata. Elle a aussi vivement critiqué la Russie et l’Arabie Saoudite sur la question des droits de l’Homme. La ministre suédoise des Affaires étrangères, Margot Wallström, n’a pas la langue dans sa poche mais elle mène une diplomatie conforme à la tradition suédoise.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
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Margot Wallström à la tribune de l'ONU en avril 2015. (TIMOTHY A. CLARY / AFP)

Depuis son entrée en fonction en octobre 2014 et l'annonce presque immédiate que la Suède reconnaissait l'Etat palestinien, Margot Wallström met régulièrement la diplomatie israélienne en ébullition. Juste après les attentats de Paris en novembre 2015, elle déclare que le conflit israélo-palestinien est un facteur parmi d'autres expliquant «qu'il y ait autant de gens qui se radicalisent»

Exécutions extrajudiciaires   
En décembre, elle appelle Israël à éviter des «exécutions extrajudiciaires» de Palestiniens, et le mois suivant exige des enquêtes «approfondies» sur la mort des Palestiniens, officiellement tués car ils menaçaient la vie d'Israéliens. L'Etat hébreu la décrète aussitôt indésirable sur son sol et un média va même jusqu’à l’appeler «l’antisémite Margot Wallström». Les deux pays calment les choses et la ministre se fend d'un communiqué : «Nous voulons entretenir de bonnes relations avec Israël et mener un dialogue actif qui porte aussi sur les valeurs.»

La Suède est une voix forte dans le monde

A 61 ans, l'ancienne comptable de province est indéniablement la superstar du gouvernement de Stefan Löfven, un ancien ouvrier métallurgiste qui lui a confié les clés de la chancellerie diplomatique pour pallier sa propre inexpérience sur la scène internationale.

 
lle s'inscrit dans une tradition suédoise de diplomatie active. Comme Olof Palme pour le Vietnam ou l'Afrique du Sud ou Anna Lindh  pour la Bosnie. Comme ces deux personnalités adulées et honnies, toutes deux assassinées, Margot Wallström se pose en gardienne des libertés et des valeurs universelles. «La Suède est une voix forte dans le monde», affirme-t-elle sur le site de son ministère. Si ses petites phrases détonnent dans le monde feutré de la diplomatie, Margot Wallström n’est pas une débutante en politique.
 
Elle a fait ses armes de militante au tournant des années 70 dans la province occidentale du Värmland, où les ouvriers du bois et du papier votaient encore à gauche. En 1979, à 25 ans, elle fait son entrée au Riksdag, le parlement suédois. Les sociaux-démocrates ont alors deux fois plus de députés que les conservateurs et les femmes ne représentent «que» 30% des élus.
 
En 1988, elle entre au gouvernement. Entre 1994 et 1998, elle détient les portefeuilles des affaires sociales puis de la culture, avant de rejoindre Bruxelles. Commissaire à l'Environnement (1999-2004), vice-présidente de la Commission (2004-2010), elle peste inlassablement contre la sous-représentation des femmes dans les hautes instances communautaires.
 
En 2010, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon la nomme envoyée spéciale pour les violences faites aux femmes et aux enfants dans les conflits.
 
La mise en cause de la politique israélienne, et notamment la multiplication récente des morts, dus officiellement à des attaques palestiniennes, est mal vue en Israël.
 

Arabie et Russie
Elle n'a pas limité ses attaques à Israël. La ministre a vivement mis en cause l'Arabie Saoudite pour la punition, qualifiée de «moyen-âgeuse» infligée au blogueur Raif Badawi. Là encore s'en est suivi une période de froid entre les deux pays et la fin des ventes d'armes de la Suède à l'Arabie. Il a fallu que le roi et le Premier ministre interviennent pour que la situation entre les deux pays reviennent à la norme diplomatique. 

Elle avait aussi qualifité de «règne de la terreur» la russie de Vladimir Poutine après la mort de l'opposant Nemtsov. Auparavant, elle avait affirmé avec force la position de la Suède vis-à-vis de l'Otan (dont elle ne fait pas partie), en raison de critiques de Moscou. Par sa voix, la Suède a toujours soutenu l'Ukraine dans son bras de fer avec la Russie.
 
L'industrie de l'armement, et à travers elle l'ensemble des exportateurs, s'est vivement émue de la rupture en 2015 de l'accord de coopération militaire signé en 2005 avec Ryad, au nom de la «diplomatie féministe» promue par Mme Wallström. Et ils se sont étranglés à l'entendre porter l'anathème sur la justice saoudienne.
 
Critiquée en Suède
Elle sait aussi faire évoluer les positions de la gauche suédoise. Ainsi, sur le dossier du Sahara Occidental. Stockholm a ainsi renoncé à reconnaître l’indépendance du Sahara Occidental. Malgré les larmes qu'elle a versées à la télévision lors de la mort du petit Eylan, elle participe à un gouvernement qui a changé de ligne sur la question des migrants.

Cela n’empêche pas le journal financier Dagens Industri d’écrire: «Margot Wallström a déjà connu des déconvenues à force de penser tout haut (...). Elle commence à poser problème.» Il est vrai que les grandes entreprises exportatrices suédoises craignent les sorties de la ministre.
              
Pour sa défense, l'intéressée assure avoir reçu – littéralement – des tombereaux de fleurs après sa passe d'armes avec les Saoudiens. «Les gens apprécient ceux qui se battent pour des valeurs», confiait-elle au Financial Times en septembre.
 
Mais c’est sur le front intérieur que la ministre suédoise des Affaires étrangères est en difficulté après des informations sur son logement à Stockholm, qui lui aurait été loué par complaisance par un syndicat. Une affaire embarassante dans un pays comme la Suède qui est très regardant sur la moralité de ses responsables politiques et qui pourrait peser sur sa carrière. Pourtant, «la Suède n’avait pas eu un discours aussi fort depuis le gouvernement d’Olof Palme, dans les années 1980», analyse Cyril Coulet, chercheur et spécialiste des pays scandinaves. 

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