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Vidéo Tribune sur la guerre en Ukraine : "Ou nous sommes fermes dès maintenant ou il vaut mieux arrêter", justifie l'un des co-auteurs

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Article rédigé par franceinfo
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Le professeur Raphaël Pitti, anesthésiste-réanimateur, spécialiste en médecine d'urgence dans les zones de guerre appelle à "ne pas faire souffrir la population ukrainienne comme la population syrienne a été martyrisée".

En pleine guerre en Ukraine et 11 ans jour pour jour après le début du soulèvement démocratique en Syrie, une tribune publiée mardi 15 mars sur franceinfo.fr interpelle les candidats à l'élection présidentielle française pour ne pas "commettre les mêmes erreurs que lors de la guerre en Syrie". L'un des co-auteurs, l'anesthésiste-réanimateur Raphaël Pitti, spécialiste en médecine d'urgence dans les zones de guerre, réclame "une position ferme", c'est-à-dire "ne plus acheter de pétrole ou de gaz aux Russes". "Ou nous sommes fermes dès maintenant, d'une manière très forte ou il vaut mieux arrêter, négocier avec Poutine et ne pas faire souffrir la population ukrainienne comme la population syrienne qui a été martyrisée", explique-t-il sur franceinfo.

franceinfo : Les Russes appliquent-ils en Ukraine les mêmes tactiques qu'en Syrie ?

Raphaël Pitti : Absolument. C'est ce qu'ils avaient aussi déjà appliqué en Tchétchénie, la même méthodologie qui consiste à encercler, bombarder et terroriser la population et ensuite l'assiéger pour l'emmener à la reddition avec les combattants qui sont à l'intérieur. On a exactement ce protocole : Alep c'est 6 mois de siège, La Ghouta c'est 8 mois de siège avec plus de 4 500 blessés que les Russes ont refusé d'évacuer. C'est exactement ce dont il faut s'attendre, regardez Marioupol.

Pour l'instant, les pays européens semblent réactifs et ouverts à l'accueil des réfugiés ukrainiens, mais y a-t-il une différence avec les Syriens ?

Je peux rappeler qu'il y a quelques mois, la Hongrie a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme justement par sa discrimination vis-à-vis des réfugiés. Là, elle est à bras ouverts vis-à-vis des Ukrainiens, alors qu'elle ne l'a pas été en ce qui concerne les réfugiés syriens ou afghans. [Cela dit beaucoup de] nos égoïsmes et de nos intérêts immédiats.

"Il y a une vision très parcellaire de l'humanité. On est très proche de son voisin, on est bien plus loin de celui qui représente une autre culture."

Pr Raphaël Pitti, spécialiste en médecine d'urgence dans les zones de guerre

à franceinfo

C'est tout le problème de l'altérité, de la vision humaniste que l'on peut avoir du monde. Il y avait 4 millions de réfugiés en Turquie, Recep Tayyip Erdogan était submergé, il a appelé à l'aide les Occidentaux qui ont refusé de lui apporter cette aide. C'est alors que le Premier ministre turc a ouvert sa frontière pour nous en envoyer 1,5 million. À ce moment-là, Angela Merkel a accepté de prendre les 800 000 réfugiés autrement c'était la fin de l'Europe et de la communauté européenne.

Que peut-on faire en Ukraine sans entrer dans une confrontation, une guerre totale avec la Russie qui agite la menace nucléaire ?

Nous pouvons avoir une position très ferme, ce que nous n'avons pas du tout eu en Syrie. Nous avions laissé faire, sans donner les armes nécessaires à la défense des populations. Avoir une position ferme cela veut dire ne plus acheter de pétrole, ne plus acheter de gaz aux Russes, accepter que nous ayons à subir les conséquences. Et de l'autre côté, nous pouvons avoir une position très ferme : refuser la sortie des Ukrainiens et exiger quatre zones de désescalade de la violence à l'intérieur de l'Ukraine, où les populations peuvent venir se réfugier avec nos survols aériens et des couloirs humanitaires pour les alimenter. Si nous n'avons pas cette force et cette détermination, alors autant négocier déjà avec Vladimir Poutine et valider le fait qu'il aurait gagné la guerre et ne pas attendre 11 ans. Le temps joue pour Poutine, il ne joue pas pour nous. Ou nous sommes fermes dès maintenant, d'une manière très forte ou il vaut mieux arrêter, négocier avec Poutine et ne pas faire souffrir la population ukrainienne comme la population syrienne a été martyrisée.

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