: Reportage Dans l'est de l'Ukraine, le découragement gagne du terrain parmi les civils : "Il faudrait un miracle pour battre l'armée russe dans la région"
La guerre n'a pas un an, mais neuf ans. Cela ne fait pas de doute dans le Donbass, à l'est de l'Ukraine, alors que la nouvelle offensive russe se poursuit. Pour l'heure, les troupes ukrainiennes parviennent encore à la contenir. Le président ukrainien assure que le pays parviendra à l'emporter. Par "victoire", Volodymyr Zelensky entend bien sûr "récupérer l'intégrité territoriale du pays". Si, notamment à Kiev, les Ukrainiens sont souvent persuadés que le pays récupérera in fine tout son territoire, dont évidemment le Donbass ; sur place, le climat est plutôt à l'angoisse.
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À Pokrovsk, à une trentaine de kilomètres de la ligne de front, lorsque vous vous branchez sur Kiss FM, une fréquence qui devrait être ukrainienne, c'est la radio de la République populaire de Donetsk avec la propagande russe qui va avec : "Les néolibéraux américains ont détruit l'Ukraine et exterminent le peuple ukrainien."
Dans l'est de l'Ukraine, vous sentez le souffle de l'armée Russe sur votre nuque. Ce matin, la ville a été bombardée par la Russie. Alors dans sa petite papeterie bien rangée, la musique entrainante contraste avec l'humeur d'Elena qui, comme tant d'autres, refuse de s'exprimer. "Je ne veux pas parler, lance-t-elle, parce qu'on ne sait pas qui sera là demain, les Russes ou les Ukrainiens ?"
"On veut juste que tout cela s'arrête"
Oleg, lui, a fait évacuer sa famille. Ce trentenaire rêve d'une victoire ukrainienne mais ce n'est qu'un "rêve". "Il faudrait un miracle pour que l'armée russe ne vienne pas jusqu'ici et ne s'empare pas de toute la région", lâche-t-il. Oleg ne veut pas y penser mais il y est contraint : si les Russes débarquent, il restera "parce que l'entreprise familiale est ici et j'y ai ma maison aussi. Je ne l'abandonnerai que si vraiment c'est intenable".
À 80 km plus au nord de Pokrovsk, une autre ville du Donbass : Kramatorsk. Deux explosions viennent de frapper la ville qui est régulièrement bombardée. Une femme accepte de parler mais elle demande à rester anonyme et de garder le micro un peu caché parce que ses propos fâcheraient les Russes comme les Ukrainiens. Sur son pas de porte, elle tire sur sa cigarette. Elle est en colère : "On veut juste que tout cela s'arrête. À qui peut-on faire confiance ? Aux Russes ou aux Ukrainiens ? Ni les uns, ni les autres." Quand on lui demande si elle se sent otage des deux armées, elle répond : "C'est exactement ça !"
"Neuf ans de guerre nous ont appris à être lucides, soufflent beaucoup de gens ici, après tant d'années, on est à bout de forces."
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