Guerre en Ukraine : quatre choses à savoir sur les élections locales organisées par la Russie dans les territoires occupés

Alors que les forces armées ukrainiennes poursuivent leur contre-offensive commencée en juin, Moscou organise des élections locales dans les régions annexées en septembre 2022.
Article rédigé par Louis Dubar
France Télévisions
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Un homme dans un bureau de vote itinérant lors du vote anticipé pour les élections locales organisées par les autorités installées par la Russie à Donetsk, en Ukraine, le 6 septembre 2023. (AFP)

Des élections locales aux enjeux internationaux. En pleine guerre, plusieurs scrutins municipaux et régionaux se déroulent sur plusieurs jours, jusqu'au dimanche 10 septembre, dans les quatre régions d'Ukraine annexées par la Russie (Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson). Un processus jugé illégal par Kiev. Le ministère des Affaires étrangères ukrainien dénonce dans un communiqué de "pseudo-élections" sans "aucune valeur". Voici quatre choses à savoir sur l'organisation et le déroulement de ces scrutins décriés.

1Les premières élections depuis l'annexion

Plusieurs millions de Russes sont appelés aux urnes, dimanche 10 septembre, pour élire leurs représentants locaux. Des scrutins municipaux et régionaux ont lieu dans tout le pays, y compris dans les territoires ukrainiens contrôlés par l'armée russe. Il s'agit des premières élections organisées par les autorités d'occupation depuis l'annexion des oblasts de Donetsk, Kherson, Louhansk et Zaporijjia en septembre 2022. Les futurs élus municipaux et régionaux auront en théorie la possibilité de désigner les gouverneurs et les maires des communes.

Sept mois après le début de la guerre, les autorités d'occupation avaient organisé plusieurs "référendums de rattachement", visant à entériner l'annexion des quatre oblasts partiellement contrôlés par Moscou à la fédération de Russie. Sans surprise, les différentes commissions électorales en charge de ces scrutins avaient annoncé, le 27 septembre 2022, la victoire du "oui", avec des scores compris entre 87% et 99%.

2 Des scrutins organisés sous loi martiale

La guerre a considérablement entravé l'organisation des élections locales en cours. La loi martiale, en vigueur depuis octobre 2022 dans les quatre territoires en partie occupés, implique l'interdiction des rassemblements publics et empêche en théorie l'organisation d'élections. La promulgation en mai d'une loi par le président russe, Vladimir Poutine, a permis de légaliser la tenue d'élections dans ces territoires, avec l'accord des autorités de défense et de sécurité, rapporte Radio Free Europe, un média financé par le Congrès américain.

Plusieurs inconnues subsistent, concernant la taille du corps électoral et la régularité du processus. "Il est possible qu'on assiste à des scènes similaires à celles observées pendant les référendums et que les soldats viennent chercher les habitants chez eux", précise à franceinfo Carole Grimaud Potter, fondatrice du groupe de réflexion Center for Russia and Eastern Europe Research de Genève et professeure de géopolitique à l'université Paul-Valéry de Montpellier.

La guerre bouscule aussi le calendrier électoral. Les scrutins dans ces zones particulièrement exposées aux combats et aux frappes à distance se déroulent certes le 10 septembre, mais les autorités d'occupation ont organisé un vote anticipé, à compter du jeudi 7 septembre dans les régions de Donetsk et Zaporijjia et à partir du 2 septembre dans celles de Kherson et Louhansk.

3 Une pénurie de candidats locaux sur les listes de Russie unie à Zaporijjia et Kherson

Comme le révèle le média d'investigation indépendant russe iStories, les commissions électorales des territoires occupés n'ont pas souhaité rendre publiques les listes nominatives des candidats pour des raisons "de sécurité". "Les habitants auront le choix entre plusieurs listes des partis russes siégeant à la Douma [la chambre basse du Parlement], mais ces dernières seront entièrement anonymisées", explique Carole Grimaud Potter.

Une enquête publiée le 28 août, menée conjointement par iStories et l'organisation indépendante Conflict Intelligence Team a analysé les listes électorales des quatre partis présentant des candidats à ces scrutins dans les oblasts de Kherson et Zaporijjia. Alors que les commissions électorales locales refusent de dévoiler ces listes, ces documents étaient accessibles sur le site de la commission électorale centrale de la fédération de Russie.

Le Parti communiste et Russie juste comptent respectivement 89% et 85 % de locaux parmi leurs candidats. Cette proportion est beaucoup plus faible sur les listes du Parti libéral-démocrate. Seulement 57% de leurs candidats sont originaires de l'un des deux oblasts. Grand favori de ces élections, le parti présidentiel, Russie unie, peine à présenter des résidents locaux. Selon iStories et Conflict Intelligence Team, près de 42% des candidats de la formation sont originaires de la Crimée voisine et de Russie.

4 Un moyen de renforcer l'emprise de Moscou

Pour de nombreux observateurs internationaux, comme Carole Grimaud Potter, l'objectif premier de ces scrutins est de renforcer "l'intégration administrative" des oblasts nouvellement annexés et accélérer "le processus d'assimilation" et de russification des régions envahies.

"Même si l'armée russe ne contrôle pas entièrement ces oblasts, pour Moscou, ces régions font désormais partie de la fédération de Russie, souligne la professeure en géopolitique. En conséquence, les territoires manquants seraient occupés illégalement par Kiev."

Quelques jours après les référendums d'annexion de septembre 2022, Vladimir Poutine avait ainsi présenté ces territoires comme des terres historiquement russes. Il avait affirmé que les habitants des régions de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia étaient des citoyens russes "pour toujours".

Selon Konstantin Skorkin, chercheur indépendant spécialiste de l'histoire du Donbass à la Fondation Carnegie pour la paix internationale, ce "vote Potemkine" représente également le moyen pour le gouvernement russe de "rétablir une certaine normalité dans ces régions" lourdement affectées par la guerre et dépeuplées d'une grande partie de leurs habitants.

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