En Ukraine, l'humour vit toujours, "comme forme de résistance à l'agresseur", témoigne un journaliste de "Charlie Hebdo"
Une exposition baptisée "Navire de guerre russe, va te faire foutre" se tient actuellement à Odessa et rassemble une série de caricatures. "Être fort psychologiquement, ça veut dire se nourrir de cet humour noir à l'égard de l'agresseur", explique Antonio Fischetti de retour d'Ukraine.
En Ukraine, "les gens utilisent l'humour comme forme de résistance", témoigne Antonio Fischetti, mercredi 25 mai sur franceinfo. Le journaliste de Charlie Hebdo, qui revient tout juste d’Ukraine, signe un reportage dans lequel il met en avant la manière dont on peut faire du second degré sur une guerre au premier degré, à travers notamment une série de caricatures issues de l'exposition qui a lieu en ce moment à Odessa, baptisée Navire de guerre russe, va te faire foutre, en référence à l'enregistrement des gardes côtes de l'île aux serpents. "Il y a la guerre, évidemment, les bombardements, tous ces drames, mais la vie continue malgré tout et qui dit vie, dit résistance, dit humour, forcément", résume Antonio Fischetti.
franceinfo : Malgré la guerre, l'humour reste une arme de résistance massive ?
Antonio Fischetti : Complètement. J'ai même été étonné. Au départ, à Charlie, on s'est dit qu'on allait creuser cette question mais je n'étais pas sûr de trouver matière humoristique. Et finalement, oui. Il y a la guerre, évidemment, les bombardements, tous ces drames, mais la vie continue malgré tout et qui dit vie, dit résistance, dit humour, forcément. Je l'ai rencontré chez les gens, dans la rue, avec leurs plaisanteries d'humour noir mais aussi par le travail des dessinateurs Ukrainiens qui ont organisé cette exposition de caricatures à Odessa, dont la vente aux enchères ira au financement des troupes ukrainiennes.
On trouve des Ukrainiens qui rigolent encore ?
Oui, il y a une évolution du rire. Un universitaire spécialiste de l'ironie, de la satire, m'expliquait qu'avant la guerre il y avait plutôt une ironie bienveillante et que maintenant, depuis l'invasion russe, il y a davantage d'humour noir. L'humour est plus féroce. L'humour à l'encontre des agresseurs.
"Il y a des histoires de résistance, comme cette héroïne anonyme qui a dit à un Russe qui l'empêchait de passer de mettre des graines de tournesols dans ses poches pour que ce soit utile lorsque les Ukrainiens l'enterreront."
Antonio Fischetti, journaliste à "Charlie Hebdo"à franceinfo
C'est une réplique qui a été filmée, qui est devenue culte et on voit maintenant des dessins dans les rues de soldats russes avec des graines dans les poches. On se moque des agresseurs c'est absolument nécessaire et en même temps on le fait avec le sourire, avec cette ironie mordante.
On a vu aussi au début de la guerre le ministre de l'Intérieur ukrainien qui explique aux habitants comment faire des cocktails Molotov à la télévision. La sécurité routière qui demandait de retourner les panneaux de signalisation pour déstabiliser les Russes. Cela a fait sourire en Ukraine ?
Oui, c'est quelque chose qu'on a du mal à imaginer à distance mais c'est de la résilience, c'est du tragi-comique. C'est effrayant d'être obligé de faire des cocktails Molotov quand on vivait jusque-là en paix, mais ça fait sourire parce que dès que vous êtes à 20 ou 30 kilomètres du front.
"Les gens utilisent cet humour comme forme de résistance."
Antonio Fischettià franceinfo
Pour résister à l'agression, il faut être fort psychologiquement et être fort psychologiquement, ça veut dire se nourrir de cet humour noir à l'égard de cet agresseur. Il y a des limites, ce n'est pas le même humour comme nous à Charlie où on dépasse les limites, c'est un humour qui n'utilise jamais le traumatisme des victimes ukrainiennes. Il n'y a pas non plus d'humour à l'égard du président Zelensky. C'est un humour uniquement dirigé à l'égard des Russes.
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