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Emmanuel Macron à Kiev : les Ukrainiens "ont besoin que les marques de soutien soient extrêmement fortes", souligne un géopoliticien

"L'Ukraine et la France sont prises dans des calendriers stratégiques qui sont complètement différents", explique Cyrille Bret. Tandis que l'Ukraine lutte pour sa survie, la France prépare l'après-guerre. Ce n'est pas un défaut de soutien, souligne le géopoliticien.

Article rédigé par franceinfo
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron s'étaient déjà rencontrés à Kiev le 8 février, 2022, 16 jours avant que la Russie lance son offensive. (THIBAULT CAMUS / POOL / VIA AFP)

Les Ukrainiens "ont besoin que les discours, les symboles, les marques de soutien soient extrêmement forts", a souligné jeudi 16 juin sur franceinfo Cyrille Bret, géopoliticien, chercheur à l'Institut Jacques Delors et enseignant à Science Po alors qu'Emmanuel Macron est attendu dans la journée en Ukraine en compagnie du chancelier allemand Olaf Scholz et du chef du gouvernement italien Mario Draghi. Il doit rencontrer le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

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Il s'agira de "rappeler la position de la France depuis dix ans, c'est-à-dire un soutien inconditionnel à la souveraineté ukrainienne", explique-t-il mais surtout de réchauffer les relations entre les deux pays. La volonté du président français de "ne pas humilier" Vladimir Poutine depuis le début de la guerre irrite particulièrement l'Ukraine. Mais selon lui, "c'est un mauvais procès intenté à la présidence française parce que depuis dix ans, la France soutient indéfectiblement l'Ukraine", assure-t-il.

franceinfo : Que va dire Emmanuel Macron au président ukrainien ?

Cyrille Bret : Ce sera évidemment d'abord et avant tout pour rappeler la position de la France depuis dix ans, c'est-à-dire un soutien inconditionnel à la souveraineté ukrainienne. Un soutien inconditionnel à l'intégrité territoriale ukrainienne qui a été amputée par l'annexion de la Crimée en 2014 et la guerre actuelle. Un soutien également financier et enfin, positionner la France comme présidente du Conseil de l'Union européenne, d'où l'importance de se rendre à Kiev avec les chefs de gouvernement italien et allemand.

"Ce n'est pas seulement un soutien bilatéral de la France à l'Ukraine, c'est un soutien de l'ensemble de l'Union européenne sous présidence française."

Cyrille Bret, géopoliticien 

à franceinfo

Les relations entre la France et l'Ukraine se sont rafraichies ces derniers temps. Les Ukrainiens ont besoin d'entendre des mots forts ?

Oui, ils ont besoin que les discours, les symboles, les marques de soutien soient extrêmement forts. Les déclarations d'Emmanuel Macron correspondent à la tradition diplomatique française, qui est de parler à tout le monde, y compris et même surtout aux rivaux et aux ennemis, puisque c'est avec eux qu'il s'agira de faire la paix. L'Ukraine et la France sont prises dans des calendriers stratégiques qui sont complètement différents. L'Ukraine, depuis plus de trois mois, lutte pour sa survie au jour le jour et la France, comme membre du Conseil de sécurité des Nations unies, comme l'État pivot en matière stratégique en Europe pense déjà à l'après, pense déjà au cessez-le-feu, aux garanties de paix à apporter à l'Ukraine après le conflit face à la Russie et penche donc toujours à maintenir un canal de discussion, de négociations, de pression avec la Russie. C'est un mauvais procès intenté à la présidence française, un mauvais procès parce que depuis dix ans, la France, soutient indéfectiblement l'Ukraine. C'est plus une affaire d'affichage et de communication face notamment aux annonces américaines, semaine après semaine, à coups de milliards, qui essayent de se présenter comme le seul véritable allié de l'Ukraine.

Emmanuel Macron doit-il convaincre Volodymyr Zelensky de faire des concessions et de négocier avec Moscou ?

Ce que vous dites est la voix de la raison, mais c'est prématuré. Il s'agit pour l'Ukraine de faire face à ce qu'on a appelé la campagne du Donbass, c'est-à-dire un conflit armé sur un immense territoire à très haute intensité. Ce que va rappeler Emmanuel Macron, c'est surtout la nécessité d'être aux côtés de l'Ukraine et la nécessité pour les Européens de proposer des perspectives à l'Ukraine.

"Il est encore trop tôt pour faire entendre la voix de la sobre raison stratégique qu'avait déjà fait entendre Kissinger, l'ancien secrétaire d'État américain, en disant que toute paix nécessitait des concessions de part et d'autre."

Cyrille Bret

à franceinfo

Ces concessions ne seront envisageables qu'au moment où le rapport de force sera stabilisé sur le front militaire. Ce n'est pas encore le cas et je pense que le président français ne s'engagera pas dans cette discussion qui est prématurée pour les autorités ukrainiennes.

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