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Centrale nucléaire de Zaporijjia : "Nous ne sommes pas à l'abri d'avoir des rejets radioactifs dans l'environnement", selon l’Institut de sûreté nucléaire

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Article rédigé par franceinfo
Radio France

La menace de nouvelles frappes à Zaporijjia font craindre des risques de "rejets radioactifs", mais pour l'instant les relevés sont normaux, explique Karine Herviou de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

"Nous ne sommes pas à l'abri d'avoir des frappes qui pourraient conduire à des rejets radioactifs dans l'environnement", a déclaré mercredi 7 septembre sur franceinfo Karine Herviou, directrice générale adjointe de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Mardi 6 septembre, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) s'est prononcée en faveur de la mise en place d'une "zone de sécurité" pour empêcher un accident nucléaire à la centrale ukrainienne de Zaporijjia, la plus grande d'Europe. "Il y a une certaine robustesse de la centrale mais elle n'est pas prévue pour faire face à ce type de bombardements", ajoute-t-elle. Elle estime que la présence sur place de deux experts de l'AIEA est "une bonne nouvelle".

franceinfo : Quel est aujourd'hui le principal risque dans cette centrale ?

Karine Herviou : Le principal risque, c'est la perte de l'alimentation électrique des réacteurs. Un cœur de réacteur, quand il est à l'arrêt, quand la réaction en chaîne a été arrêtée, il produit toujours de l'énergie, de la puissance qu'il faut absolument évacuer. Pour évacuer cette puissance, il faut des pompes, de l'électricité pour les faire tourner et de l'eau. Aujourd'hui, l'ensemble des alimentations électriques externes de la centrale, dont toutes les lignes qui relient la centrale au réseau, ont été endommagées par les combats. En conséquence, la centrale est aujourd'hui alimentée uniquement par le réacteur numéro 6 qui continue à fonctionner et elle est un peu en autarcie. Il y a un seul réacteur qui fonctionne pour alimenter les pompes de refroidissement des six réacteurs de la centrale.

Si ce réacteur n'était plus alimenté, il se passerait quoi ?

Le risque, c'est qu'on aille vers une fusion du cœur, c'est-à-dire que les pastilles de combustible qui sont dans le cœur du réacteur vont se mettre à fondre et que l'on se retrouve sur un scénario type Fukushima, avec un magma, un mélange de structures métalliques et de cœur fondu, qui va aller au fond de la cuve du réacteur et qui peut mettre en danger l'intégrité du réacteur. Dans ce cas, cela pourra conduire à des rejets très importants dans l'environnement. Les réacteurs n'ont pas été abimés par des frappes. En revanche, les bâtiments autour de ces réacteurs, des bâtiments importants, ont été endommagés. Vous avez par exemple un bâtiment qui contient des containers, qui eux-mêmes contiennent des assemblages de combustibles usés qui sont très radioactifs, qui ont été endommagés. Heureusement, les containers qui contiennent ces assemblages ne l'ont pas été. Effectivement, nous ne sommes pas à l'abri de frappes, qui même si elles ne touchent pas directement les réacteurs, pourraient conduire à des rejets radioactifs dans l'environnement.

Que se passerait-il si un réacteur était touché par une frappe ? Est-ce que ce scénario a été anticipé lorsqu'on a construit cette centrale ?

Cela n'a pas été anticipé. En revanche, les bâtiments en béton cylindriques que l'on voit sur le site et qui contiennent le cœur du réacteur ont été conçus pour résister à un certain nombre de choses, notamment à la chute de certains avions. Il y a donc une certaine robustesse, mais ce n'est pas prévu pour faire face à ce type de bombardements. Actuellement, nous sommes sûrs qu'il n'y a aucune fuite radioactive, car les stations de mesures ne montrent pas d'élévation anormale.

Nous avons appris mardi qu'une équipe de deux experts de l'AIEA vont pouvoir rester sur place. C'est une bonne nouvelle ?

C'est une bonne nouvelle. Ils vont permettre de donner au monde entier et à l'AIEA un certain nombre d'informations complémentaires, car les communications sont aujourd'hui très difficiles avec l'exploitant de la centrale.

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