L’UE nobellisée fait des remous dans l’eurosceptique Norvège
La riche et eurosceptique Norvège, belle entreprise assise sur d’immenses réserves en hydrocarbures, ne connaît pas la crise du continent qui subit de plein fouet cures d'austérité et troubles sociaux.
Alors, quand le Nobel revient à l’Union, inutile de préciser que l’idée de l’ingérence dans le débat sur l’adhésion revient vite à la surface.
Sans vouloir mettre de l’huile sur le feu, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a estimé que la distinction avait «d'autant plus de valeur» qu'elle venait d'un pays non-membre.
Certes, mais les Norvégiens n'y voient qu’une chose : le choix du comité Nobel ravive plutôt les tensions autour de la question de l'adhésion à l’UE, refusée deux fois de suite par référendum, en 1972 et 1994. Et aujourd’hui ? Ils seraient, selon plusieurs sondages, 80% à y être opposés.
En 1994, le «non» était passé d’un cheveu (52,2%). A l’époque, l’adhésion de la Suède et de la Finlande avait un peu désamorcé les blocages des Norvégiens vis-à-vis de l’organisation européenne.
Un prix qui fait des vagues
Oslo a ainsi vu le 8 décembre 2012 défiler quelques centaines de Norvégiens, à l'appel de dizaines d'organisations hétéroclites, derrière ce slogan : «L'UE, pas un prix de la Paix de notre temps.» D’autres, comme le Conseil norvégien de la Paix, qui honore chaque année les lauréats, a refusé le choix du Comité Nobel, car «à cause de ses implications militaires, l’UE est une lauréate indigne».
Quant à la cérémonie, boycottée et critiquée par les eurosceptiques, comme ceux du parti centriste ou du groupe Nei til EU («Non à l'UE», 30.000 adhérents), qui compte huit ministres dans ses rangs, elle vient récompenser; selon eux, des politiques incompatibles avec le Nobel. Pour Nei til EU, la politique de défense est contraire à l'idée de démilitarisation, la crise favorise les «émeutes et l'extrémisme», une politique commerciale agressive pour les pays pauvres et le rejet des réfugiés, entre autres maux.
Un comité piloté par un europhile
Les détracteurs du prix pointent également que le président du comité Nobel, Thorbjoern Jagland, est très europhile – il a publié Mon rêve européen, en 1990 et est secrétaire général du Conseil de l’Europe – et qu’il aurait imposé son point de vue dans le comité. Comment ? En profitant de l’absence pour maladie du très eurosceptique Aagot Valle. Car le Nobel est attribué par un comité indépendant d’une poignée (cinq membres désignés par le Parlement norvégien) d’anciens hommes politiques.
Le spécialiste politique Bernt Aardal explique que «dans le débat norvégien, le rôle de l'UE comme faiseuse de paix n'a jamais été central» historiquement. Selon lui, «même chez les partisans d'une adhésion, c'est généralement l'argumentaire économique qui prédomine».
Pas de candidature prévue dans un avenir proche
Donc, avec la crise, l’entrée de la Norvège dans l’UE est bien mal partie. Et le Mouvement pour l'Europe l’a bien compris. Il milite aujourd’hui pour des rapprochements. A vrai dire, ils existent déjà. La Norvège est en effet membre de l'espace Schengen et de l'Espace économique européen. Ce qui implique non seulement la libre circulation dans les Etats membres mais aussi l’application de nombreuses directives européennes.
Quoi qu’il en soit, ce ne sont pas les législatives de septembre 2013 en Norvège, souveraine seulement depuis 1905, qui changeront grand-chose pour une nouvelle candidature, renvoyée aux calendes grecques.
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