Cet article date de plus de dix ans.
Lobbies financiers au Parlement européen: le point de vue du député Gauzès
L’action des lobbies auprès de l’UE, comme celui des banques (qui s’appuierait sur un réseau de 700 à 1000 personnes pour défendre ses intérêts à Bruxelles), est parfois très critiquée. Les lobbies fournissent des informations sur des sujets complexes, explique l’eurodéputé français PPE-UMP Jean-Paul Gauzès. Mais des informations qu’il faut savoir équilibrer et recouper.
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Temps de lecture : 5min
Vous vous dîtes favorable au lobbying. Pourquoi ?
Les lobbies sont une source d’informations. Comme membre de la Commission des affaires économiques et monétaires, je travaille souvent sur de gros dossiers techniques. Mes collègues et moi, nous avons assez peu de moyens pour les traiter. En tout et pour tout, j’ai mon assistante et deux experts détachés par les Etats, par exemple un collaborateur venu de l’autorité britannique des marchés ou de la Banque de France. Nous ne sommes pas comme les élus du Congrès américain qui ont une équipe de 30 personnes à leur disposition !
Dans ce contexte, je travaille comme les journalistes. Je dois savoir recouper les informations, faire en sorte qu’elles soient équilibrées. Car on ne peut donc pas se contenter d’une seule source d’informations. Il faut plusieurs sons de cloche. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en 2010, j’ai répondu à l’appel de Pascal Canfin (alors eurodéputé vert, aujourd’hui ministre délégué du Développement, NDLR) pour lancer l’ONG Finance Watch et faire en sorte que l’information financière n’aille pas dans une seule et unique direction. Chacun des signataires (22, dont trois du PPE, NDLR) a payé 3800 euros pour aider à monter cette ONG. Ensuite, nous nous sommes retirés. Cela a étonné certains de mes interlocuteurs du monde de la finance, mais cela me semblait normal que pour cette problématique, un type de droite aille avec des gens de gauche et des verts.
Résultat : avant, il y avait un monopole de l’information financière. Aujourd’hui, l’équilibre a donc été à peu près rétabli. Finance Watch compte une douzaine de collaborateurs qui viennent tous du monde de la finance : ils sont invités aux différentes auditions (hearings) organisés sur les sujets économiques et monétaires.
Etes-vous très sollicité par les lobbies ?
Par principe, je reçois toutes les personnes qui me demandent rendez-vous : entre 20 et 25 minutes à chaque fois. Je considère que cela fait partie de mon boulot ! C’est en agissant de la sorte que je peux contribuer à mettre en place une règlementation européenne efficace, pragmatique, correcte.
A titre d’exemple, pour la directive sur les hedge funds, adoptée en 2010, j’ai demandé à mon assistance de faire le décompte des réunions auxquelles j’ai participé. Résultat : j’ai assisté à 198 rencontres avec des lobbyistes ! Parmi eux, il y avait de nombreux représentants de la communauté financière anglo-saxonne. Mais il y avait aussi des Français de la BNP et du Crédit Agricole. Eux aussi savent se défendre !
Mais il faut signaler qu’il y a aussi du lobbying gouvernemental ! Je suis ainsi en contact quasi-hebdomadaire avec les Trésors français, britannique ou américain, le secrétariat général des Affaires européennes à Paris. Chacun veut faire prévaloir ses conceptions. Cela a été par exemple le cas pour la directive sur les fonds monétaires. La France défendait les fonds constants, les CNAV, le Luxembourg et l’Irlande les variables, les VNAF.
Comment faites-vous la part des choses ?
Je vous l’ai dit : je fais un peu un travail de journaliste. Je vérifie, je recoupe les informations qu’on me donne. Je suis aidé par mon expérience : j’ai été avocat, j’ai aussi travaillé dans une banque, Dexia, en l’occurrence. J’ai donc quelques connaissances. Pour résumer, je dirais que je ne suis pas aveugle, mais borgne…
D’une manière générale, il ne faut pas faire de fantasme vis-à-vis du lobbying. Au Parlement européen, les choses sont claires : on sait qui vient. Personnellement, je n’ai jamais eu la moindre proposition douteuse. Les lobbyistes sont des professionnels. On finit par cerner les personnes et comprendre ce qu’elles cherchent. Je ne suis pas partisan d’interdire aux lobbyistes d’entrer dans l’institution.
Que pensez-vous de la proposition de directive sur la réforme du secteur bancaire, présentée par le Français Michel Barnier, commissaire au Marché intérieur et aux Services financiers et ancien ministre UMP? Laquelle réforme vise à limiter le risque dans la sphère bancaire.
Michel Barnier a fait un boulot remarquable et colossal avec beaucoup d’oppositions de la part de ses collègues libéraux. Aujourd’hui, d’ailleurs, il passe pour le plus à gauche de la Commission ! Moi qui ne tweete que rarement, j’ai envoyé le 30 janvier 2014 un tweet pour lui apporter mon soutien. En expliquant que le «market making» («tenue de marché», activité financière à risque, NDLR) «est indispensable au financement de l'économie mais (qu’)il serait irresponsable de ne pas l'encadrer’».
Dans l’état actuel des choses, le texte existe. Mais il n’a pas de rapporteur. Il sera voté lors de la prochaine mandature du PE.
Les lobbies sont une source d’informations. Comme membre de la Commission des affaires économiques et monétaires, je travaille souvent sur de gros dossiers techniques. Mes collègues et moi, nous avons assez peu de moyens pour les traiter. En tout et pour tout, j’ai mon assistante et deux experts détachés par les Etats, par exemple un collaborateur venu de l’autorité britannique des marchés ou de la Banque de France. Nous ne sommes pas comme les élus du Congrès américain qui ont une équipe de 30 personnes à leur disposition !
Dans ce contexte, je travaille comme les journalistes. Je dois savoir recouper les informations, faire en sorte qu’elles soient équilibrées. Car on ne peut donc pas se contenter d’une seule source d’informations. Il faut plusieurs sons de cloche. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en 2010, j’ai répondu à l’appel de Pascal Canfin (alors eurodéputé vert, aujourd’hui ministre délégué du Développement, NDLR) pour lancer l’ONG Finance Watch et faire en sorte que l’information financière n’aille pas dans une seule et unique direction. Chacun des signataires (22, dont trois du PPE, NDLR) a payé 3800 euros pour aider à monter cette ONG. Ensuite, nous nous sommes retirés. Cela a étonné certains de mes interlocuteurs du monde de la finance, mais cela me semblait normal que pour cette problématique, un type de droite aille avec des gens de gauche et des verts.
Résultat : avant, il y avait un monopole de l’information financière. Aujourd’hui, l’équilibre a donc été à peu près rétabli. Finance Watch compte une douzaine de collaborateurs qui viennent tous du monde de la finance : ils sont invités aux différentes auditions (hearings) organisés sur les sujets économiques et monétaires.
Etes-vous très sollicité par les lobbies ?
Par principe, je reçois toutes les personnes qui me demandent rendez-vous : entre 20 et 25 minutes à chaque fois. Je considère que cela fait partie de mon boulot ! C’est en agissant de la sorte que je peux contribuer à mettre en place une règlementation européenne efficace, pragmatique, correcte.
A titre d’exemple, pour la directive sur les hedge funds, adoptée en 2010, j’ai demandé à mon assistance de faire le décompte des réunions auxquelles j’ai participé. Résultat : j’ai assisté à 198 rencontres avec des lobbyistes ! Parmi eux, il y avait de nombreux représentants de la communauté financière anglo-saxonne. Mais il y avait aussi des Français de la BNP et du Crédit Agricole. Eux aussi savent se défendre !
Mais il faut signaler qu’il y a aussi du lobbying gouvernemental ! Je suis ainsi en contact quasi-hebdomadaire avec les Trésors français, britannique ou américain, le secrétariat général des Affaires européennes à Paris. Chacun veut faire prévaloir ses conceptions. Cela a été par exemple le cas pour la directive sur les fonds monétaires. La France défendait les fonds constants, les CNAV, le Luxembourg et l’Irlande les variables, les VNAF.
Comment faites-vous la part des choses ?
Je vous l’ai dit : je fais un peu un travail de journaliste. Je vérifie, je recoupe les informations qu’on me donne. Je suis aidé par mon expérience : j’ai été avocat, j’ai aussi travaillé dans une banque, Dexia, en l’occurrence. J’ai donc quelques connaissances. Pour résumer, je dirais que je ne suis pas aveugle, mais borgne…
D’une manière générale, il ne faut pas faire de fantasme vis-à-vis du lobbying. Au Parlement européen, les choses sont claires : on sait qui vient. Personnellement, je n’ai jamais eu la moindre proposition douteuse. Les lobbyistes sont des professionnels. On finit par cerner les personnes et comprendre ce qu’elles cherchent. Je ne suis pas partisan d’interdire aux lobbyistes d’entrer dans l’institution.
Que pensez-vous de la proposition de directive sur la réforme du secteur bancaire, présentée par le Français Michel Barnier, commissaire au Marché intérieur et aux Services financiers et ancien ministre UMP? Laquelle réforme vise à limiter le risque dans la sphère bancaire.
Michel Barnier a fait un boulot remarquable et colossal avec beaucoup d’oppositions de la part de ses collègues libéraux. Aujourd’hui, d’ailleurs, il passe pour le plus à gauche de la Commission ! Moi qui ne tweete que rarement, j’ai envoyé le 30 janvier 2014 un tweet pour lui apporter mon soutien. En expliquant que le «market making» («tenue de marché», activité financière à risque, NDLR) «est indispensable au financement de l'économie mais (qu’)il serait irresponsable de ne pas l'encadrer’».
Dans l’état actuel des choses, le texte existe. Mais il n’a pas de rapporteur. Il sera voté lors de la prochaine mandature du PE.
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