Les Roms ont pour la première fois été à l'honneur de la Journée de commémoration des victimes du nazisme
Depuis 1996, le 27 janvier, jour anniversaire de la libération en 1945 du camp d'Auschwitz par les Soviétiques, est Outre-Rhin une journée dédiée aux victimes du nazisme.
C'est la première fois que le sort des Roms, massacrés par les nazis au cours de ce que certains appellent "l'Holocauste oublié", est mis au centre de la cérémonie.
Selon les historiens, entre 220.000 et 500.000 Roms ont été exterminés par le régime hitlérien, sur une communauté comptant avant guerre un million de personnes.
Jugés "racialement inférieurs" par l'Allemagne hitlérienne, ils ont été systématiquement persécutés, confinés dans des ghettos, des camps spéciaux, déportés ou tués sur le champ. Dans certains camps comme Auschwitz ou Ravensbrück, ils ont servi de cobayes pour des expériences médicales. Pourtant, l'Allemagne fédérale (la RFA) n'a reconnu officiellement ce génocide qu'en 1982, avec un geste du chancelier social-démocrate Helmut Schmidt. Celui-ci avait alors reçu pour la première fois des membres du Conseil central des Sintis et Roms d'Allemagne, organisme représentatif.
Toujours "traités de manière indigne"
Les autorités allemandes avaient demandé à un citoyen néerlandais de venir apporter un témoignage devant le Bundestag. Sauvé de la déportation grâce à un policier aux Pays-Bas et aujourd'hui très engagé dans la défense des Roms, Zoni Weisz, 73 ans, est donc intervenu devant les députés et la chancelière Angela Merkel, très attentifs. Il s'est dit "étonné et honoré" d'avoir été choisi pour parler de "l'Holocauste oublié", en l'occurence celle qui a frappé les gens du voyage.
Zoni Weisz a évoqué le passé en racontant l'histoire de ses parents, de ses soeurs et de son frère, déportés et massacrés à Auschwitz. "Jusqu'en 1944, nous étions une famille tout à fait normale, une famille heureuse" de Zutphen (est des Pays-Bas), a-t-il expliqué.
Mais il a aussi évoqué le présent. "Les Sintis et les Roms sont traités de manière indigne, en particulier dans bien des pays d'Europe de l'Est comme la Roumanie ou la Bulgarie", a-t-il lancé.
"Dans certains pays d'Europe de l'Ouest comme l'Italie et la France", qui "appartiennent pourtant à la communauté européenne", "nous sommes victimes de discriminations, exclus et nous vivons dans des conditions indignes dans des ghettos", a déploré cet ancien fleuriste de la cour royale des Pays-Bas. "Dans certains restaurants réapparaissent des pancartes 'Interdit aux Tziganes'. L'Histoire se répète", a-t-il poursuvi.
Zoni Weisz a rappelé que la vice-présidente de la Commission européenne Viviane Reding avait dénoncé ces pratiques "avec des mots clairs". La France a intensifié l'an dernier les expulsions de Roms vers la Roumanie et la Bulgarie, suscitant un tollé et de fortes tensions avec Bruxelles. Viviane Reding avait alors dénoncé la situation "scandaleuse" des Roms en Europe, vivant "dans une pauvreté absolue". L'Italie a, elle aussi, été accusée de violations des droits des Roms, notamment en terme de logement.
Sans nommer de pays en particulier, le président du Bundestag, Norbert Lammert (CDU), a jugé que "la plus grande minorité d'Europe est la plus discriminée".
"J'espère que les gouvernements concernés vont continuer à être interpellés" sur la question rom, a dit Zoni Weisz . "Nous sommes des Européens et nous devons avoir les mêmes droits que tout autre habitant, les mêmes chances", a-t-il conclu. La fin de son intervention a été longuement saluée par l'ensemble des députés debout.
"L'Allemagne a minimisé ce génocide pendant des années. Et il y a toujours du racisme aujourd'hui contre les Roms. Le discours de Zoni Weisz au Bundestag, c'est un signe positif", a-t-on expliqué au Conseil des Sintis et Roms.
10 millions de Roms vivraient sur le Vieux continent. 70.000 sont de nationalité allemande, tandis que plusieurs dizaines d'autres, venus de Bosnie et du Kosovo, vivent en Allemagne.
Une rue et un gymnase rebaptisés à Berlin
A l'occasion de cette journée de commémoration, une rue et un gymnase de Berlin ont reçu le nom de Roms persécutés sous le IIIe Reich.
Une rue a ainsi reçu le nom d'"Ede et Unku", nom d'un livre écrit en 1931 et relatant l'histoire vraie d'une amitié entre un fils d'ouvrier et une fillette sinti dans la période précédant le nazisme. "Unku", alias Erna Lauenburger, déportée avec les siens, est morte à Auschwitz. Le livre "Ede et Unku " fut mis au ban par les nazis et sa jeune auteure Grete Weiskopf, juive et communiste écrivant sous un pseudonyme (Alex Wedding), dut fuir l'Allemagne en 1933. Après la guerre, le régime communiste de la RDA avait réhabilité l'ouvrage en l'insérant dans des programmes scolaires.
Dans le même temps, un gymnase a été baptisée du nom du boxeur Johann Trollmann, alias "Rukeli" ou "Gypsy" Trollmann. Champion mi-lourds d'Allemagne en 1933, il fut aussitôt déchu de son titre par les nazis, accusé d'avoir un style de boxe "non allemand". A l'époque, Trollmann avait protesté en se décolorant les cheveux en blond et en se laissant mettre K.O. au combat suivant. Il est mort en camp de concentration.
Lire aussi
Rassemblement de Roms à Costesti (240 km à l'ouest de Bucarest en Roumanie) (AFP - DANIEL MIHAILESCU)
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.