Cet article date de plus de douze ans.

Les communautés turque et arménienne face à face devant le Sénat

A quelques mètres de distance, les uns ont protesté lundi contre la proposition de loi sur la pénalisation de la négation des génocides. Les autres ont manifesté pour l'adoption du texte au Palais du Luxembourg.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Entourée d'un drapeau turc, une jeune femme manifeste contre la proposition de loi visant à pénaliser la négation des génocides, à proximité du Sénat, à Paris, le 23 janvier 2012. (FRED DUFOUR / AFP)

Les abords du Sénat étaient agités lundi 23 janvier dans l'après-midi. La raison : le vote par les sénateurs du texte pénalisant la négation des génocides, notamment celui des Arméniens par les Turcs. Deux manifestations se sont ainsi tenues en deux lieux différents du 6e arondissement parisien, éloignés de quelques dizaines de mètres, la rue de Vaugirard faisant office de zone tampon. D'un côté, les Franco-turcs. De l'autre, la communauté arménienne. Deux ambiances, deux discours, deux revendications.

"L'histoire aux historiens"

Au croisement de la rue de Vaugirard et de la rue de Médicis, derrière des barrières et une dizaine de fourgons de CRS, une centaine de personnes sont rassemblées. Certaines arborent des drapeaux turcs dans le dos, d'autres tiennent des drapeaux français à la main. Toutes sont réunies à l'appel du Comité de coordination des associations franco-turques pour protester contre le vote au Sénat, après l'Assemblée nationale, de la proposition de loi déposée par la députée UMP Valérie Boyer, vice-présidente du groupe d'amitié France-Arménie de l'Assemblée nationale.

De la musique populaire turque est diffusée dans une ambiance bonne enfant. Des hommes et des femmes dansent en faisant la ronde, main dans la main. De temps en temps, Hikmet Turk, responsable du comité de coordination, monte sur le toit d'un camion de la manifestation pour lancer quelques paroles au micro : "Nous ne voulons ni haine, ni vengeance. Juste la vérité." Une vérité qui n'a pas, selon lui, à être décidée par les parlementaires. Et pour la faire émerger, Hikmet Turk a des idées : "Rouvrir les archives et nommer un comité international d'historiens." Et de scander avec la foule : "L'histoire aux historiens." 

Manifestations pour et contre la loi sur les génocides (APTN)

"La même chose que pour la Shoah"

Un peu plus loin, face à l'entrée du Sénat, au croisement de rues Tournon et Vaugirard, se tient la manifestation de la communauté arménienne avec, aux avant-postes, cette bannière : "Le négationnisme n'est pas la liberté d'expression." De ce côté, le ton est plus grave. Pas de musique. On y parle de "devoir de mémoire", "de familles massacrées"Plusieurs centaines de personnes de tous âges sont rassemblées et reprennent en chœur le slogan : "Non, non à la négation. Sénat, Sénat, élève-toi. Vote, vote, vote la loi." Et L'Etat turc est qualifié de "répressif" et de "négationniste"

Sur l'estrade d'une tribune, les orateurs se succèdent au micro. Parmi eux, l'avocat Serge Klarsfeld et le député des Hauts-de-Seine André Santini. Sur le côté, Jean, 76 ans, a pris place sur un tabouret de camping, une baguette de pain à la main. Il était déjà descendu dans la rue en 2000 pour la reconnaissance du génocide arménien. Alors, "c'est normal" pour lui d'être devant le Sénat aujourd'hui, même si son arthrose le fait souffrir et qu'il doit rester assis. "On veut pour le génocide des Arméniens, la même chose que pour la Shoah. Pourquoi y aurait-il deux poids, deux mesures ?" 

Mais d'après lui, le doute subsiste sur le passage de la loi car "la Turquie est très riche et très puissante". Même crainte pour Vatche, 57 ans, qui glisse au passage avoir perdu toute estime pour Robert Badinter. L'ancien Garde des sceaux s'est prononcé contre la loi. Quant au travail historique réclamé par les Turcs, un orateur à la tribune se montre clair : "Les historiens ont déjà fait leur travail".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.