Le petit-fils de Staline poursuit un journal pour offense à son aïeul
Cette fois, c'en était apparemment trop. Depuis sa naissance il y a 73 ans, Evgueni Djougachvili, colonel en retraite de l'armée russe, ex-soviétique, en a entendu, des petites phrases et des mots doux ou durs sur son illustre grand-père. Quand on est le petit-fils de Joseph Djougachvili, alias Staline, forcement, il faut savoir encaisser.
Mais quand le journal russe Novaïa Gazeta a consacré en avril un article au massacre de 10.000 officiers polonais prisonniers par le NKVD (ancêtre du KGB) à Katyn, en 1939, et a écrit : “Staline et les tchékistes sont liés par tout le sang qu’ils ont versé, par les crimes les plus graves, tout d’abord contre leur propre peuple.”, Evgueni Djougachvili est sorti de ses gonds.
_ Que le “petit père des peuples” ait été un homme à poigne, ça, le colonel veut bien l'entendre. Que des rumeurs parviennent à ses oreilles, suggérant que son grand-père ait eu quelque-chose à voir avec ce triste épisode de l'histoire soviétique et plus largement, avec les exécutions à échelle industrielle qui ont jalonné la période soviétique, c'est déjà bien agaçant pour un vieillard ployant sous le poids de ses décorations. Mais qu'une telle affirmation s'étale, noir sur blanc, dans un journal, il ne faut pas abuser.
Procès mémoriel
Le colonel Djougachvili a donc décidé de porter plainte contre l'insolente feuille de nouvelles, pour atteinte à l'honneur et à la dignité de son grand-père. Il demande que la Novaïa Gazeta publie un démenti. Voilà pour l'honneur. A celà, il ajoute dix millions de roubles (227.000 euros) de dommages et intérêts. Voilà pour la dignité.
Ironie mise à part, l'histoire de Staline et de son rôle reste un sujet tabou, qui divise profondément la société russe. Aussi sensible que peut l'être l'histoire du régime de Vichy ou de la guerre d'Algérie en France. Et le journal Novaïa Gazeta espère beaucoup du procès qui doit s'ouvrir en août. Il pourrait être pour la Russie ce que les procès Barbie, Touvier et Papon ont été pour la France. En espérant voir la responsabilité de Staline établie par la justice dans le massacre de Katyn, le journal rêve de voir se dissoudre la chape de plomb, pour que Staline prenne sa vraie place dans l'histoire de la Russie, celle d'un tyran.
Grégoire Lecalot
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