Le Nobel de la paix remis à l'UE en terre eurosceptique

D'un côté, une nation paisible et opulente, forte d'immenses ressources pétrolières. De l'autre, un continent en proie à la plus grave crise
de ses 55 ans d'histoire : la Norvège et le reste de l'Europe semblent aujourd'hui
aux antipodes.

Pourtant, c'est bien à Oslo que l'Union européenne se voit
remettre lundi, via les mains des présidents de la Commission européenne José
Manuel Barroso et du Parlement européen Martin Schulz et celles d'Herman Van
Rompuy, le président de l'UE, le Nobel attribué pour sa contribution à la
réconciliation, à la démocratie et aux droits de l'Homme. C'est peu dire que la
décision du comité Nobel a réveillé au passage les passions liées à la question
hyper-sensible de l'adhésion que les Norvégiens ont rejetée par référendum en
1972 et 1994. Et à laquelle les trois quarts d'entre eux sont aujourd'hui
opposés...

Plusieurs eurosceptiques n'assisteront pas à la cérémonie

Le Premier ministre travailliste Jens Stoltenberg, lui-même
europhile, a d'ailleurs beau s'être empressé de préciser que ce Nobel ne
changeait rien à la relation entre son pays et l'UE, nombreux sont ceux qui ont
fait l'amalgame. Ainsi, très révélateur, plusieurs ministres du parti
centriste, formation viscéralement eurosceptique alliée à Jens Stoltenberg,
n'assisteront pas à la cérémonie du Nobel, officiellement pour des questions
d'emploi du temps, et des dizaines d'organisations ont appelé à une marche de
mécontentement ce dimanche.

Selon le groupe Nei til EU ("Non à l'UE "),
la politique de défense de l'Union européenne, la crise, et le rejet des réfugiés sont incompatibles avec le Nobel :  "Ces dernières années, plutôt que
l'unité, elle s'est divisée entre Nord et Sud, riches et pauvres, membres de la
zone euro et non membres ", insiste le président de cette puissante
organisation, Heming Olaussen.

"Dans le débat norvégien, le rôle de l'UE comme
faiseuse de paix n'a jamais été central "

Historiquement, "dans le débat
norvégien, le rôle de l'UE comme faiseuse de paix n'a jamais été central ",
explique le politologue Bernt Aardal. "Même chez les partisans d'une
adhésion, c'est généralement l'argumentaire économique qui prédomine. " 

Le Mouvement
pour l'Europe vient d'ailleurs de renoncer à militer pour l'entrée de la Norvège dans
l'UE.

" Le prix de la Paix à l'UE aurait été
logique à d'autres moments de l'Histoire mais ça ne veut pas dire qu'il
ne
l'est pas aussi aujourd'hui "

Dans les faits, les deux entités collaborent déjà
étroitement puisque le pays scandinave est membre de l'espace Schengen et de
l'Espace économique européen. Mais il n'a pas voix au chapitre à Bruxelles.
L'UE est bien une force positive engagée dans 13 missions de maintien de la paix,
neuf à caractère civil et quatre avec du personnel militaire, estime son ambassadeur
à Oslo, Janos Herman. "D'accord, le prix de la Paix à l'UE aurait été
logique à d'autres moments de l'Histoire mais ça ne veut pas dire qu'il ne
l'est pas aussi aujourd'hui ", affirme le diplomate, en réponse aux
objections sur le moment choisi.