Le dernier espoir de conciliation de la Belgique a démissionné
"J'ai informé le roi qu'il n'a pas été possible de sortir de cette impasse et qu'il n'y a pas de perspective réelle de progrès". Cette fois-ci Johan Vande Lanotte jette l’éponge, pour de bon. Désigné le 21 octobre par le roi Albert II pour convaincre les sept partis politiques du pays - trois francophones et quatre flamands – de se mettre autour d’une table pour trouver un accord sur l'avenir politique de la Belgique, le médiateur socialiste flamand vient de donner sa démission.
Une impasse politique qui pourrait coûter cher à la Belgique
Faute d’accord entre les partis pour former un gouvernement, la Belgique est régie, depuis les élections législatives de juin, par un gouvernement démissionnaire réduit à expédier les affaires courantes. Une phase de transition qui s’éternise, le pays ayant déjà battu le 8 janvier dernier le record d'Europe de la plus longue crise politique. Record détenu jusqu’ici par son voisin néerlandais, qui avait mis 208 jours pour former un gouvernement en 1977. Conséquence directe de cette absence d'exécutif, aucune loi ni décision ne peut être prise au niveau du pays, comme par exemple sur le dossier brûlant du coût du vieillissement. Et déjà les pressions internationales se font sentir.
L'agence internationale de notation Standard & Poors (S&P) a notamment changé la note financière de la Belgique. Celle-ci est passée d'un avis "stable" à "négatif". Autrement dit, la dette publique belge est entrée dans le collimateur des marchés financiers. Il y a donc urgence à agir. Seulement voilà, sans gouvernement, le pays est condamné au statu quo. C'est ce que soulignait au début du mois sur France Info Thierry Bodson, secrétaire de la FGTB wallonne (syndicat socialiste). "La Belgique, comme les autres pays européens, s’est engagée à revenir à l’équilibre budgétaire en 2015. Or, pour pouvoir tenir ce pari, il faut qu’il y ait des décisions budgétaires strictes qui soient prises à partir des budgets 2011, 2012 au plus tard. C’est quand même 22 milliards à compenser d’ici 2015 ! Et plus on attend, plus les mesures qui seront prises risquent d’être douloureuses pour l’ensemble de la population ", déplorait-il alors au micro de Quentin Dickinson. Une inquiétude sur l’avenir partagée par le patronat. "Nous sommes très dépendants des investissements étrangers et par conséquent nous sommes évidemment assez effrayés des conséquences que la crise pourrait avoir", explique Vincent Reuter, de l'Union Wallonne des Entreprises. "Toutes les affaires, les investissements, sont liés à la confiance mais la confiance est liée notamment à l’action de l’Etat et tant que cela est en rade, on peut craindre des dégâts", ajoute-t-il.
Des mois de médiation et toujours pas la moindre avancée vers la formation d'un gouvernement.
Une situation ubuesque dénoncée début janvier par le journaliste flamand Kriss Janssens dans un
billet de "mauvaise humeur" largement diffusé sur internet.
Quelles voies encore possibles pour sortir de la crise ?
Tandis qu’au lieu de se réduire depuis sept mois, le fossé semble au contraire se creuser entre la gauche francophone majoritaire en Wallonie et la droite indépendantiste flamande, les voies de sortie de crise se rétrécissent. La solution pourrait venir des libéraux belges, absents des tractations jusqu’ici mais qui pourraient être appelés à la rescousse. Objectif : amadouer la N-VA, qui sur le plan économique et social, en est proche. Mais il est loin d’être certain que les nationalistes flamands emmenés par Bart De Wever soient prêts à faire de "nouvelles" concessions. "Cette semaine encore nous avons pris l’initiative pour sortir de l’impasse. Nous avons proposé d’abandonner certains transferts de compétences en échange d’un approfondissement des réformes dans d’autres domaines. Mais cette proposition a aussi été rejetée", a réagit ce matin le député nationaliste flamand Ben Weyts, rejetant la faute de l’échec des pourparlers sur les francophones, rapporte Le Soir. Une autre option, plus radicale, serait d’exclure la N-VA des négociations. Une thèse qui parait cependant irréaliste car il s'agit du premier parti flamand. Dans La Libre Belgique, le journaliste Francis Van de Woestyne re-dit l’urgence de trouver une solution, quitte à faire encore du temporaire, mais du temporaire efficace en découplant les négociations par exemple. "Grâce à la confiance renouvelée du Parlement, le gouvernement Leterme devrait pouvoir gérer le pays pendant que, parallèlement et avec des engagements clairs, tous les partis démocratiques négocient une grande réforme de l’Etat. Sans doute y a-t-il des obstacles constitutionnels et politiques. Mais cela vaut mieux que le vide actuel ou le chaos", écrit l’éditorialiste. En cas de persistance de l'impasse, le roi Albert II, qui va reprendre dès aujourd’hui ses consultations, n'aura d'autre choix que de convoquer de nouvelles élections, avec le risque d'une radicalisation supplémentaire des fronts flamand et francophone, susceptible d'accélérer la marche vers l'éclatement du pays.
Cécile Mimaut, avec agencesOeuvres liées
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