Cet article date de plus de dix ans.
Le chercheur Olivier Rozenberg sur l'abstention aux scrutins européens
Les sept élections au Parlement européen (PE), qui se sont succédé depuis 1979, ont été marquées par une abstention grandissante. Cette évolution marque-t-elle une défiance de plus en plus grande vis-à-vis de cette institution de l’UE ? Olivier Rozenberg, chercheur au Centre d’études européennes à Sciences Po, relativise l’évolution du phénomène.
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Temps de lecture : 5min
Une abstention toujours plus importante semble devenir un marqueur durable des différents scrutins européens. Comment l’expliquez-vous ?
C’est effectivement une élection record de ce point de vue. Mais il faut voir que l’abstention progresse pour d’autres scrutins nationaux et que la France n’est pas le seul Etat membre de l’UE concerné par le phénomène. Le manque d’intérêt des électeurs n’est donc pas une spécificité hexagonale.
Dans le même temps, cette élection a lieu dans une période de creux, en dehors des grandes consultations, des grands moments d’intérêt pour la vie politique, comme la présidentielle. De plus, le Parlement européen est perçu comme un échelon de pouvoir lointain et complexe, à la différence de l’échelon municipal, plus palpable.
A mon avis, il faut relativiser le propos selon lequel le scrutin européen ne fonctionne pas. Le Parlement de Strasbourg est composé de 766 parlementaires représentant un demi-milliard de personnes, ce qui implique une certaine distance mathématique avec l’électeur. Un eurodéputé représente en moyenne 700.000 personnes quand un député français en représente 100.000. L’éloignement est donc sept fois plus important !
De plus, il n’est pas facile de comprendre le fonctionnement de l’institution, les compromis passés entre les groupes politiques... Cela entraîne un manque d’intérêt, ce qui n’est très satisfaisant d’un point de vue démocratique. Dans le même temps, les différents pays membres restent dans des cultures politiques très nationales avec des enjeux nationaux.
Par ailleurs, il faut voir qu’en moyenne, un électeur sur deux se déplace pour un scrutin européen. Dans des entités de taille comparables à l’Union comme les Etats-Unis, les chiffres ne sont guère différents : outre-Atlantique, les scrutins nationaux ont également du mal à mobiliser.
Autre facteur qui tend à relativiser les choses : la crise qui touche dans toute l’UE l’ensemble des institutions parlementaires, et donc le PE. L’impopularité qui le frappe est comparable aux assemblées parlementaires nationales, même si elle est plus importante en raison de son éloignement par rapport à l’opinion. Dans ce contexte, il est normal que cette institution européenne soit ressentie comme moins légitime que les différents parlements nationaux. Il serait très difficile qu’il en aille autrement.
Comment peut-on faire évoluer les choses ?
En France, on a tenté d’améliorer la situation en 2003 avec une réforme du scrutin qui a créé huit grandes circonscriptions pour renforcer les liens entre les votants et les députés. Une réforme critiquable. Par exemple, est-ce que dans le grand Sud-Ouest, un électeur de droite sait vraiment qu’il est représenté par l’UMP Alain Lamassoure ? Le texte a privé le débat national d’une certaine vivacité. Avant, ce débat se faisait liste contre liste. Aujourd’hui, avec la régionalisation, il passe relativement inaperçu. De ce point de vue, le scrutin de 2009 a été très caractéristique : pendant la campagne, il n’y a eu que deux émissions à la télévision française.
La réforme a participé à cet état de fait. En fait, le but de celle-ci était de diminuer mécaniquement, lors de la transformation des voix en sièges, le poids des petites listes : FN, Chasse Pêche Nature et Traditions (CNPT), villiéristes… Revenu aux affaires, le PS voulait modifier la réforme. Le gouvernement ne l’a pas suivi. Il ne veut pas d’un test national. Il préfère l’atomisation du débat au niveau régional.
Alors évidemment, il serait possible d’imaginer des solutions pour européaniser le scrutin. On pourrait ainsi transférer une partie des élus sur une liste transnationale. Par exemple, sur une liste de 70 élus, en transférer un quota de dix pour une circonscription à l’échelle de l’UE. Le problème, c’est que cela suppose une révision des traités.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Je vois un élément assez prometteur dans la tentative actuelle des partis socialistes de l’UE d’unir leurs forces derrière Martin Schulz, actuel président du Parlement de Strasbourg, et d’en faire leur candidat à la présidence de l’Union. Celui-ci fait notamment campagne en France avec un programme pour tous les Etats membres. C’est une manière plutôt positive de dénationaliser le débat. De son côté, la droite n’a pas encore réussi à faire la même chose. Et chez elle, aucun nom ne s’impose.
C’est effectivement une élection record de ce point de vue. Mais il faut voir que l’abstention progresse pour d’autres scrutins nationaux et que la France n’est pas le seul Etat membre de l’UE concerné par le phénomène. Le manque d’intérêt des électeurs n’est donc pas une spécificité hexagonale.
Dans le même temps, cette élection a lieu dans une période de creux, en dehors des grandes consultations, des grands moments d’intérêt pour la vie politique, comme la présidentielle. De plus, le Parlement européen est perçu comme un échelon de pouvoir lointain et complexe, à la différence de l’échelon municipal, plus palpable.
A mon avis, il faut relativiser le propos selon lequel le scrutin européen ne fonctionne pas. Le Parlement de Strasbourg est composé de 766 parlementaires représentant un demi-milliard de personnes, ce qui implique une certaine distance mathématique avec l’électeur. Un eurodéputé représente en moyenne 700.000 personnes quand un député français en représente 100.000. L’éloignement est donc sept fois plus important !
De plus, il n’est pas facile de comprendre le fonctionnement de l’institution, les compromis passés entre les groupes politiques... Cela entraîne un manque d’intérêt, ce qui n’est très satisfaisant d’un point de vue démocratique. Dans le même temps, les différents pays membres restent dans des cultures politiques très nationales avec des enjeux nationaux.
Par ailleurs, il faut voir qu’en moyenne, un électeur sur deux se déplace pour un scrutin européen. Dans des entités de taille comparables à l’Union comme les Etats-Unis, les chiffres ne sont guère différents : outre-Atlantique, les scrutins nationaux ont également du mal à mobiliser.
Autre facteur qui tend à relativiser les choses : la crise qui touche dans toute l’UE l’ensemble des institutions parlementaires, et donc le PE. L’impopularité qui le frappe est comparable aux assemblées parlementaires nationales, même si elle est plus importante en raison de son éloignement par rapport à l’opinion. Dans ce contexte, il est normal que cette institution européenne soit ressentie comme moins légitime que les différents parlements nationaux. Il serait très difficile qu’il en aille autrement.
Comment peut-on faire évoluer les choses ?
En France, on a tenté d’améliorer la situation en 2003 avec une réforme du scrutin qui a créé huit grandes circonscriptions pour renforcer les liens entre les votants et les députés. Une réforme critiquable. Par exemple, est-ce que dans le grand Sud-Ouest, un électeur de droite sait vraiment qu’il est représenté par l’UMP Alain Lamassoure ? Le texte a privé le débat national d’une certaine vivacité. Avant, ce débat se faisait liste contre liste. Aujourd’hui, avec la régionalisation, il passe relativement inaperçu. De ce point de vue, le scrutin de 2009 a été très caractéristique : pendant la campagne, il n’y a eu que deux émissions à la télévision française.
La réforme a participé à cet état de fait. En fait, le but de celle-ci était de diminuer mécaniquement, lors de la transformation des voix en sièges, le poids des petites listes : FN, Chasse Pêche Nature et Traditions (CNPT), villiéristes… Revenu aux affaires, le PS voulait modifier la réforme. Le gouvernement ne l’a pas suivi. Il ne veut pas d’un test national. Il préfère l’atomisation du débat au niveau régional.
Alors évidemment, il serait possible d’imaginer des solutions pour européaniser le scrutin. On pourrait ainsi transférer une partie des élus sur une liste transnationale. Par exemple, sur une liste de 70 élus, en transférer un quota de dix pour une circonscription à l’échelle de l’UE. Le problème, c’est que cela suppose une révision des traités.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Je vois un élément assez prometteur dans la tentative actuelle des partis socialistes de l’UE d’unir leurs forces derrière Martin Schulz, actuel président du Parlement de Strasbourg, et d’en faire leur candidat à la présidence de l’Union. Celui-ci fait notamment campagne en France avec un programme pour tous les Etats membres. C’est une manière plutôt positive de dénationaliser le débat. De son côté, la droite n’a pas encore réussi à faire la même chose. Et chez elle, aucun nom ne s’impose.
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