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La police britannique disposera de canons à eau et de balles en plastique, a promis mercredi le Premier ministre

"Il fallait une riposte" face aux émeutes en Grande-Bretagne "et la riposte est en cours", a averti David Cameron, après 4 jours consécutifs de violences urbaines. Un calme relatif régnait mercredi soir à Londres où 16.000 policiers ont été déployés depuis 24 heures.Les canons à eau étaient jusque-là réservés aux troubles en Irlande du Nord.
Article rédigé par France2.fr avec agences
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Vitre brisée d'un magasin de Manchester lors d'émeutes survenues le 9 août 2011 (AFP/ANDREW YATES)

"Il fallait une riposte" face aux émeutes en Grande-Bretagne "et la riposte est en cours", a averti David Cameron, après 4 jours consécutifs de violences urbaines. Un calme relatif régnait mercredi soir à Londres où 16.000 policiers ont été déployés depuis 24 heures.

Les canons à eau étaient jusque-là réservés aux troubles en Irlande du Nord.

La vague de violence s'est propagée dans la nuit de mardi à mercredi dans le Nord. Les villes de Manchester, Liverpool et Birmingham ont été le théâtre du plus important déchaînement de violence depuis le début des émeutes, samedi.

Le bilan de la nuit établi par la police est de 113 personnes arrêtées à Manchester et à Salford et 50 à Liverpool. Depuis le début des violences, la police métropolitaine (Met) a procédé à 770 arrestations à Londres. Elle a fait état de 111 blessés dans ses rangs.

Londres, où 16.000 policiers ont été déployés mardi soir contre 6.000 la veille, est restée relativement calme. Les propriétaires des magasins avaient pris les devants, barricadant leurs commerces pour éviter des actes de vandalisme.

"Nous avions besoin d'une riposte et la riposte est en cours", a dit David Cameron après une nouvelle réunion du comité de sécurité Cobra, chargé des situations de crise.

David Cameron a qualifié les émeutes de banale criminalité sans évoquer les conditions socio-économiques dans ces quartiers, dont les responsables des communautés locales jugent qu'elles sont à l'origine des violences.

Stephen Kavanagh, un des commissaires adjoints de la police londonienne, a fait savoir que le dispositif serait maintenu pour la nuit de mercredi à jeudi. "Ce soir, nous allons encore une fois envisager le pire", a-t-il déclaré à la BBC.

Trois morts à Birmingham
L'ampleur des violences à Birmingham, la deuxième ville de Grande-Bretagne, montre que la crise est loin d'être finie. La police de Birmingham a ouvert une enquête pour homicide après la mort de trois personnes renversées par une voiture. Selon un ami des victimes, qui s'exprimait au micro de la BBC, les trois hommes appartenaient à une groupe d'autodéfense et tentaient de prévenir les pillages. "La voiture a foncé sur eux. C'est un meurtre commis de sang-froid", a-t-il dit.

Dans de nombreuses villes, les mêmes scènes ont été observées: des jeunes dissimulés sous des capcuches ont cassé des vitrines, pillé des magasins, provoqué les policiers, voire incendié des boutiques. Manchester et sa grande banlieue de Salford, Liverpool, West Bromwich et Wolverhampton, près de Birmingham, ont notamment été touchées.

"Ce sont des actes de criminalité purs et simples, les pires que j'ai jamais vus à cette échelle", a déclaré un responsable de la police, Garry Shewan. "Ces gens ne manifestent contre rien, ce n'est pas un sentiment d'injustice ou une quelconque étincelle qui a mené à ça".

Les conclusions rendues mardi soir par la commission chargée d'enquêter sur les conditions dans lesquelles la police a abattu un homme dont la mort a été à l'origine des premières émeutes samedi à Tottenham pourrait alimenter la colère des émeutiers.

Les premiers rapports indiquaient que Mark Duggan, 29 ans, avait tiré sur les forces de l'ordre avec un pistolet retrouvé à ses côtés. Mais selon un communiqué de la Commission indépendante des plaintes contre la police (IPCC), "il n'existe à ce stade aucune preuve que l'arme retrouvée sur la scène (de crime) a été utilisée" contre les policiers.

Mardi, un homme de 26 ans, atteint par une une balle alors qu'il se trouvait dans sa voiture à Croydon, dans le sud de Londres, a succombé à ses blessures.

Les émeutiers maîtres de certaines rues
A un an des Jeux Olympiques de Londres, les forces de l'ordre ont en effet semblé impuissantes jusqu-là pour contenir les violences, les pires de ce type dans la capitale depuis plus de vingt ans. "Les émeutiers ont pris le contrôle, la police leur abandonne les rues", titrait mardi le Times, sous la photo impressionnante d'une femme en train de sauter d'un immeuble en feu. "Nous n'avons tout simplement plus assez d'unités à envoyer" sur le terrain, malgré la suspension de tous les congés, a reconnu Paul Deller, officier de la police londonienne.

Lundi, en fin d'après-midi lundi, les forces de l'ordre ont été à nouveau harcelées par des groupes de jeunes en plein jour à Hackney (est), puis les violences et les pillages ont gagné du terrain, embrasant les beaux quartiers de Notting Hill et Clapham, ainsi que Peckham (sud), Croydon et Ealing. Les émeutiers ont fait irruption dans un restaurant côté au Michelin, "le Ledbury". Dans la nuit de dimanche à lundi, au moins neuf membres des forces de l'ordre ont été blessés et 35 pendant le week-end, selon la police qui s'est dite "choquée par cet incroyable niveau de violence à son encontre".

Certains observateurs expliquent que ces émeutes, les pires depuis des décennies dans le royaume, trouvent en partie leur origine dans les coupes claires réalisées dans les services sociaux afin de réduire le déficit budgétaire. Signe de la tension grandissante dans le pays, le match amical de football Angleterre - Pays-Bas prévu mercredi au stade de Wembley à Londres a été annulé.

La raison des violences
Les violences contre les personnes et les petits commerces, dont les photos et vidéos sont largement relayées sur les réseaux sociaux par internet et les chaînes d'information télévisée, ont choqué de nombreux Britanniques.

Mais le pays s'interroge aussi sur les raisons de ces violences, les plus graves depuis des décennies. Les habitants des quartiers pillés et incendiés ainsi que certains commentateurs les attribuent aux tensions entre les jeunes et la police, aux difficultés économiques en cette période d'austérité et aux écarts de richesse croissants.

Ce phénomène "doit être interprété comme une explosion d'agressivité d'une 'sous-classe' exclue socialement et économiquement", écrit le journal liberal The Independent. Le Daily Telegraph, quotidien de droite, adopte un ton bien plus dur: "Il faut apprendre à ces voyous le respect de la loi de la manière forte. Ces émeutes ont humilié la nation et le gouvernement doit en être tenu responsable."

Les contempteurs du gouvernement affirment que sa politique d'austérité visant à réduire les déficits publics a aggravé la situation de cette jeunesse fortement touchée par le chômage. Inversement, les bonus monumentaux accordés aux banquiers sont devenus emblématiques du culte de l'argent chez les élites.

Les scandales de corruption dans la police londonienne et celui de 2009 sur les notes de frais des parlementaires a aussi répandu l'image de l'avidité de toute une société. "Tout le monde a entendu parler des pots-de-vin de la police, des parlementaires volant des milliers (de livres) avec leurs notes de frais. Ils ont donné l'exemple. C'est l'heure de piller", a dit un jeune du quartier d'Hackney à Londres.

Paris invite les Français à la prudence
Paris appelle ses ressortissants à faire preuve d'une "extrême prudence" lors des sorties nocturnes en Grande-Bretagne. Le ministère français des Affaires étrangères a souligné mardi sur son site internet que les violences s'étaient "étendues à d'autres quartiers de la capitale ainsi qu'à d'autres grandes villes (Birmingham, Liverpool, Bristol, Nottingham)". "Des actes de délinquance (vols à l'arraché) se sont également produits dans des quartiers touristiques de Londres (Notting Hill, Camden)", a-t-il précisé.

Berlin, Rome, La Haye, Lisbonne et Madrid ont donné également des consignes de prudence à leurs ressortissants séjournant au Royaume-Uni.

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