Après le meurtre de la députée Jo Cox, la presse britannique dénonce la "brutalité" de la campagne du Brexit
Même si le lien entre l'assassinat de l'élue travailliste et le référendum sur le Brexit n'est pas prouvé, les journaux du Royaume-Uni mettent en cause "le déferlement de haine" observé tout au long de la campagne.
A moins d'une semaine du référendum sur une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, la campagne est suspendue. Le meurtre de Jo Cox, députée travailliste pro-européenne, perpétré jeudi 16 juin, a ému au-delà des frontières du royaume. L'étoile montante du Labour, qui a reçu plusieurs balles et des coups de couteau, est saluée comme une "militante courageuse", notamment pour son engagement en faveur de l'accueil des réfugiés. Vendredi, la presse britannique relaie l'hommage du mari de Jo Cox, père de leurs deux enfants, qui affirme à présent vouloir "combattre la haine qui l'a tuée". Mais les éditorialistes s'interrogent aussi sur le contexte politique dans lequel s'inscrit le drame.
Une attaque "contre l'humanité et la démocratie"
"Le glissement de la civilisation vers la barbarie est plus rapide que nous voulons le penser", prévient le Guardian*. Alors que le meurtrier, présenté comme un déséquilibré proche de l'extrême droite, aurait crié "Britain first" ("La Grande-Bretagne d'abord") avant d'attaquer Jo Cox, le quotidien s'interroge sur son mobile et met en cause le climat agressif de la campagne. Le Guardian dénonce "un ton brutal qui attise les divisions", jugeant que le meurtre constitue une "attaque contre l'humanité, l'idéalisme et la démocratie".
Le Telegraph est tout aussi direct, affirmant : "Une attaque contre un membre du Parlement est une attaque contre tout notre processus démocratique". Le journal souligne également que "la fonction" des députés les oblige à devenir "visibles et accessibles, ce qui les rend parfois vulnérables". "Nous devrions le dire davantage, nos députés sont courageux et honnêtes", ajoute le Telegraph.
The I rappelle en outre que le Royaume-Uni a connu deux attaques contre des membres du Parlement en six ans, estimant que "les échanges politiques sont devenus de plus en plus personnels, brutaux et amers". Une ambiance à laquelle s'ajoute "la normalisation de la misogynie la plus grotesque", insiste The I, qui estime que "le discours politique est traîné dans le caniveau". "Le risque, ici, n'est pas seulement la perte de personnes brillantes comme Jo Cox, dont le meurtre n'est rien moins qu'un tragédie nationale. C'est aussi une attaque contre la démocratie même", conclut le journal.
Un "déferlement de haine" autour du Brexit
Pour The Sun, qui s'est prononcé pour que le Royaume-Uni quitte l'UE, "nous ne savons pas encore si le meurtre de Jo est lié à la frénésie" de la campagne autour du référendum sur le Brexit. "Mais la coïncidence est trop grande pour qu'il n'y ait aucun lien avec le déferlement de haine observé de la part des deux camps", juge le tabloïd. Le Sun dénonce "certains opportunistes qui n'ont pas perdu de temps pour exploiter cette tragédie afin de décrédibiliser leur adversaire", comme le travailliste Neil Coyle, vivement critiqué pour avoir accusé les partisans de la sortie de l'UE "d'inspirer l'extrême droite". Pour le Sun, "cette campagne a largement dépassé les limites d'un débat franc et honnête. Les partisans comme les opposants du Brexit vont régulièrement trop loin."
Le Spectator, de son côté, blâme directement le camp du "Leave", ceux qui veulent quitter l'Union européenne. Le leader du parti europhobe Ukip "Nigel Farage n'est pas responsable de la mort de Jo Cox. Et les membres de la campagne du 'Leave' non plus. Mais ils sont responsables de la manière dont ils mènent leur campagne", écrit le Spectator. Et "quand vous encouragez la rage, vous ne pouvez pas feindre d'être surpris quand les gens deviennent enragés", poursuit l'hebdomadaire. "Nous prenons le chemin d'une république bananière, ou au mieux des Etats-Unis. Les déclarations des deux camps sont exagérées, stupides. La haine s'est répandue sur les réseaux sociaux", écrit l'un de ses éditorialistes vendredi, appelant à l'annulation pure et simple du scrutin du 23 juin.
* Tous les liens de médias renvoient sur des articles en anglais
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