L'immigration dans l'UE: un dossier très politique à la veille des Européennes
Derrière les drames humains, les chiffres sont parlants. Depuis le début 2014, près de 2.200 migrants et réfugiés sont arrivés par bateau sur les côtes italiennes, soit dix fois plus que sur la même période de 2013.
Au début du mois d'avril, le ministre de l'Intérieur Angelino Alfano avait lancé un appel à l'Union Européenne pour qu'elle aide davantage l'Italie face à l'afflux de migrants. Il avait chiffré entre 300.000 et 600.000 le nombre de candidats à l'émigration prêts à embarquer depuis les côtes libyennes à destination de l'Europe.
25.000 et 40.000 jeunes d'Afrique subsaharienne seraient prêts à se lancer à l'assaut des frontières de Ceuta et Melilla dans les prochains mois, selon les chiffres non officiels que font circuler les autorités marocaines et espagnoles, selon Le Monde.
Le responsable de Frontex, l'agence européenne chargée des frontières extérieures de l'Europe, estime même que l'immigration clandestine en Europe a augmenté de 48% en 2013 par rapport à 2012. La plus grosse augmentation se ressentant en Méditérranée centrale. Une augmentation notamment due à la guerre en Syrie.
Les points d'entrée dans l'Europe du Sud
Trois points chauds dans le dossier de l’immigration.
ESPAGNE : à l’ouest, les zones espagnoles de Melilla et Ceuta, situées en Afrique, sont sous la pression d’assauts de migrants venus du Maroc, ou de plus loin encore. En 2013, «4.235 personnes en situation irrégulière sont parvenues à entrer dans les deux enclaves, en franchissant la frontière grillagée, en trompant les contrôles aux frontières ou encore en se cachant dans les véhicules passant les douanes, contre 2.841 en 2012», affirme Madrid. L'une de ces tentatives, menée le 6 février pour tenter d'entrer à Ceuta, a tourné à la tragédie lorsque 15 personnes d'origine subsaharienne ont trouvé la mort en tentant de contourner la frontière à la nage.
GRECE : à l'autre bout de la Méditerranée, à l'est, la pression est aussi forte. La Grèce constitue une des portes d’entrée de l’Europe. Le «mur» construit sur la frontière terrestre turco-grecque (le fleuve Evros) a incité les migrants à se tourner vers les passages maritimes. La distance entre les côtes turques et certaines îles grecques est parfois très réduite.
Au moins 22 migrants ont péri et sept ont été portés disparus début mai à la suite du naufrage de deux embarcations dans la mer Egée, au large de la Grèce. Les victimes semblent venir de Somalie. Un millier de clandestins prennent tous les mois la mer pour tenter de rejoindre le long des côtes grecques des pays de l'Union européenne, a déclaré début avril le ministre grec de la Marine marchande, Miltiadis Varvitsiotis. «188 adultes et enfants s'y sont noyés ou y ont été portés disparus entre août 2012 et mars 2014», selon Amnesty.
Un dossier difficile pour l'Europe
L'Europe a multiplié les textes et les mesures pour tenter de maîtriser la question de l'immigration. Néanmoins, les pays qui assurent les frontières extérieures de l'espace Schengen en appellent à Bruxelles. En effet, avec les règles liées à l’espace Shengen, ce sont ces pays qui doivent gérer les afflux de réfugiés. D’où les appels à trouver des solutions plus durables.
Les ministres des Affaires étrangères du «groupe Méditerranée», réunis le 16 avril à Alicante, en Espagne, ont tiré la sonnette d'alarme sur la crise migratoire qui frappe la rive sud de l'Europe depuis plusieurs mois et le manque de ressources à leur disposition pour y faire face. «Le texte, consensuel, rappelle la nécessité d'une coopération accrue du bloc communautaire avec les pays d'origine et de transit des migrants et le besoin de moyens techniques et financiers européens supplémentaires. Mais il accroît aussi d'un cran la pression politique sur les pays du nord du continent afin que ces derniers mettent la main à la poche», notait Le Monde.
Une question très politique
Certains partis, ceux qui critiquent une certaine Europe notamment, en ont fait un thème de campagne. Le Front National ne s’est d’ailleurs pas privé de dénoncer «les vagues massives d'immigration en provenance de pays issus d'autres civilisations, dont les mœurs, les coutumes et les traditions sont pour beaucoup incompatibles avec notre mode de vie».
«L’approche européenne est morcelée et ne fait ainsi l’objet d’aucune vision globale. Certains textes sont entrés en vigueur récemment, comme le statut des travailleurs saisonniers, mais ils demeurent très marginaux. Preuve de ce morcellement, certains qualifient l’Europe de forteresse et d’autres de passoire. Par ailleurs, la solidarité entre les Etats est clairement insuffisante», ajoute Sylvie Guillaume.
«Il faut enfin une politique européenne de l'immigration, avec des quotas annuels par pays et par métier, harmoniser le droit d'asile et se donner les moyens de protéger les frontières de l'Europe», affirme Marielle de Sarnez (candidate aux Européennes pour le Modem) dans Le Figaro qui parle de «ratage absolu» qui «nourrit le vote extrême». Une opinion que semble partager les Français qui gratifient l'Europe d'un 4,6 sur 20 en matière d'immigration, selon un sondage.
La question sera au menu du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des 26 et 27 juin... Un mois après les Européennes. Au menu, la nécessité d'une meilleure coopération avec les Etats du sud afin de limiter les flux migratoires et la demande d'une plus grande solidarité des Etats du nord de l'Europe avec ceux qui accueillent les migrants sur leurs côtes. Des thèmes déjà abordés lors du précédent sommet en octobre 2013.
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