L'Europe face à l'esclavage des temps modernes
Le 27 avril 1848, le décret Schœlcher, du nom d’un homme politique français, entérinait l’abolition de l’esclavage. La nouvelle a mis quelques temps à atteindre les différentes colonies françaises, ce qui explique en partie que les jours de commémorations soient différents en Martinique, en Guadeloupe ou encore à Mayotte. En 1948, la Déclaration universelle des droits de l’Homme consacrait ces principes. Selon l’article 4 de la déclaration des Nations Unies, «Nul ne sera tenu en esclavage, ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes».
36 millions de personnes seraient en situation d’esclavage
Pourtant, selon une étude réalisée par l’organisation Walk Free, l’esclavage n’a pas disparu et reste bien un mal contemporain. Près de 36 millions de personnes seraient en situation d’esclavage à travers le monde, c’est 20% de plus par rapport à 2013. Une augmentation qui n’est pas liée à une explosion du nombre de cas, mais à une meilleure méthodologie pour recenser les victimes. Il s’agit bien entendu d'esclavage moderne, marquant une différence avec ce qui avait cours avant l'abolition de l'esclavage en Europe et sur le continent américain au XIXe siècle. Il est alors question de traite d’êtres humains, d’exploitation sexuelle, de travail forcé, de servitude pour dette, de mariage forcé ou arrangé.
Un point commun : les situations prises en compte se caractérisent toujours par la soumission et la violence. La moitié des victimes sont exploitées dans cinq pays. L’Inde, la Chine, le Pakistan, l’Ouzbékistan et la Russie. L’Europe n’est pas épargnée. Le Royaume-Uni abriterait selon cette étude quelque 4.400 personnes en situation d’esclavage (The Guardian parle sur son site internet, de 10.000 à 13.000 personnes), la France, elle, 8.600 victimes!
566.200 victimes en Europe
Si l’Europe dispose de la proportion de personnes exploitées la plus faible, elle compte toutefois 566.200 victimes, souvent d’une exploitation sexuelle ou économique. La Bulgarie, la République Tchèque et la Hongrie arrivent en tête des mauvais pays européens. Le Luxembourg en revanche fait figure de bon élève avec «seulement» 100 victimes recensées.
Aujourd'hui, l'Union européenne tente de renforcer ses moyens d'action afin de protéger les victimes et de sanctionner les criminels responsables. De leurs côtés, les pays européens sont appelés à renforcer leur coopération dans la lutte contre cet esclavage des temps modernes qu'est la traite des êtres humains. Selon ce rapport, seuls les Etats-Unis, le Brésil et l’Australie ont mis en place des mesures pour endiguer l’esclavage moderne dans les marchés publics et les chaînes logistiques des entreprises établies dans leur pays.
Une exploitation domestique
Nombre de ces victimes subissent une exploitation domestique. Cette forme d’esclavage est la plus secrète, car pratiquée au sein des foyers, à l’abri des regards extérieurs. Elle est d’autant plus difficile à recenser et à combattre. La Suisse et la Grande-Bretagne ont été les premières à dénoncer cette forme d’esclavage. La Suisse parce que des victimes ont été identifiées au sein de la très grande communauté diplomatique qui vit à Genève selon le comité contre l’esclavage moderne. En Grande-Bretagne, parce que de nombreux habitants originaires du Golfe Persique y ont élu domicile dans les années 1980 et ont «importé» ces pratiques répandues dans leurs pays.
Les différents visages des exploiteurs
Contrairement aux idées reçues, les drames de l’esclavage moderne existent dans tous les milieux sociaux. La plupart des exploiteurs sont des gens ordinaires, riches ou pauvres. Ils exploitent leurs «petites bonnes» aussi bien dans les hôtels particuliers des beaux quartiers parisiens que dans les grands immeubles de quartiers populaires. La plupart de ces victimes sont originaires des pays d’Afrique du Nord, d’Afrique de l’Ouest, d’Asie et d’Europe de l’Est. Des femmes pour l’essentiel, qui avaient à l’origine une seule idée : avoir une vie meilleure…
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