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L'Europe est-elle populiste et xénophobe ? Illustration en Hongrie

Semaine spéciale élections européennes sur France Info. Direction, ce jeudi, la Hongrie, où le Jobbik, le parti d'extrême-droite ultranationaliste, a réalisé son meilleur score, le mois dernier. Avec plus de 20 % des voix aux législatives, le Jobbik est désormais la plus grande force d'extrême-droite en Europe. Une Europe populiste et xénophobe ?
Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
  (Un des sièges du Jobbik, le parti ultra-nationaliste, à Budapest © Radio France / Sébastien Baer)

Désormais, le Jobbik soigne son image. Les affiches sont plus sobres, le discours moins guerrier... Disparus également les uniformes paramilitaires. Les candidats apparaissent en costume cravate, sérieux et souriants. On a abandonné le slogan précédent, "la Hongrie aux Hongrois". Désormais, le Jobbik entend bien être un parti présentable.

 

Mais il ne faut pas s'y tromper, avertit Sandor Czöke, membre d'une association de défense des droits civiques. "De temps en temps, on change un peu les couleurs et le décor, mais la véritable stratégie du Jobbik, c'est la xénophobie, le nationalisme, l'antisémitisme, antitsiganisme et l'amour de l'ordre à tout prix. Le Jobbik séduit aussi parce qu'il parle des problèmes réels alors que les autres partis n'en parlent pas ". Cibles préférées du Jobbik, les roms qualifiés de "parasites " et l'Europe, dont il faudrait sortir. 

  (Sandor Czöke, membre d'une association de défense des droits de l'Homme © Radio France / Sébastien Baer)

Le Jobbik a fait sa place

Le Jobbik est un parti jeune, créé en 2003, mais qui s'est installé dans le paysage politique hongrois. Début avril, le parti a progressé de près de quatre points et obtenu 23 sièges au Parlement. Le Jobbik dirige aussi dix communes, principalement au nord-est de la Hongrie. Par exemple, Gyöngyöspata, 2.300 habitants dont 650 Roms, est administrée par un maire du Jobbik.

  (La ville de Gyöngyöspata © Radio France/Sébastien Baer)

Et depuis son élection, les Roms sont harcelés, assure Janos Farkas, le représentant de la communauté dans le village : "La police est là en permanence pour nous intimider. Par exemple, quand on va ramasser des branches d'arbres dans la forêt pour se chauffer et qu'on se fait prendre, on a des amendes et on peut même être envoyé en prison. Leur principe, c'est que tous les Roms sont des criminels, que tous les tsiganes sont mauvais. On reçoit des menaces. En 2012, on a mis le feu à ma maison. Notre seul tort, c'est d'être des Roms ". 

Rhétorique anti-rom

Pour progresser, le Jobbik martèle sa rhétorique anti-Roms. Le parti capte ainsi une partie du vote protestataire. Mais le Jobbik se défend de tout racisme ou de tout antisémitisme.

 

Pour expliquer ce succès, Marton Gyöngyösi, député du Jobbik, met en avant la liberté de parole, la liberté de ton de son parti : "Notre style est très différent de celui des autres partis. Nous, nous n'avons pas de tabou et nous disons la vérité, même si ça peut heurter et que ça n'est pas politiquement correct. On parle de la famille, de l'homosexualité, de la cohabitation entre les Hongrois et les Roms, de l'immigration. C'est ce qui rend notre parti unique. Dans les villes que nous dirigeons, la sécurité s'est améliorée ces dernières années. Nous pensons qu'en quatre ans, le Jobbik peut arriver au gouvernement ".

  (Marton Gyöngyosi, député du Jobbik © Radio France/Sébastien Baer)

Champ libre au Jobbik

On est loin du temps où Viktor Orban, le premier ministre du Fidesz, le parti conservateur, avait promis de débarrasser la Hongrie du Jobbik. Ses adversaires reprochent à Viktor Orban sa complaisance à l'égard de l'extrême-droite. Pire, le programme du Fidesz s'inspirerait même directement de celui du Jobbik.

Pour Magdalena Marsovszky, spécialiste de l'extrême-droite, le parti conservateur au pouvoir et le Jobbik sont en tout cas très proches : "C’est la même chose que le Jobbik, il n’y a absolument pas de différence. Les deux partis défendent la même idéologie populiste. Le Fidesz chercher à conquérir les électeurs de l’extrême-droite. En Hongrie, l’ennemi du gouvernement, c’est la gauche, pas l’extrême-droite. Donc, le Jobbik n’a pas d’opposition et il peut continuer à prospérer ".

  (La mairie de Gyöngyöspata © Radio France/Sébastien Baer)

 

Les positions parfois radicales du Jobbik ont poussé plusieurs partis nationalistes européens à prendre leur distance. Pour l'heure, le Front national exclut toute alliance. Mais, pour d'autres mouvements, le Jobbik fait figure de modèle. Et c'est justement là qu'est le danger, la formation d'une éventuelle coalition européenne, avertit Kriza Borbala, sociologue à Budapest : "Ce qui se passe en Hongrie maintenant devrait inquiéter toute l'Europe car ce serait dangereux d'avoir une grande coalition des partis d'extrême-droite en Europe, avec le Jobbik. Car le Jobbik a des idées applicables non seulement en Hongrie mais aussi en Europe. Et ça, c'est toujours dangereux ".

 

Le Jobbik, qui compte trois eurodéputés au Parlement européen, espère faire aussi bien cette année. Marton Gyöngyösi, le député du Jobbik voit même plus loin : "Et pourquoi pas cinq députés ? " demande-t-il.

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