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Génocide: Serbie et Croatie renvoyées dos à dos par la justice. Et après?

Le 3 février 2015, la Cour internationale de justice (CIJ) l’a décidé : pendant le conflit qui a opposé Serbes et Croates de 1991 à 1995, aucun des deux camps n’a commis de génocide, crime le plus grave reconnu par le droit international. Aujourd’hui, les politiques s’inscrivent dans un processus de normalisation que les peuples n’admettent pas toujours.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le président croate Ivo Josipovic et son homologue serbe Tomislav Nikolic avant une réunion à Belgrade, en Serbie, le 16 octobre 2013. (AFP PHOTO / ALEXA STANKOVIC)

En 1991, la Croatie (partie de l’ex-Yougoslavie) se déclarait indépendante. S’ensuivait une guerre avec des sécessionnistes serbes soutenus par Belgrade. Au final, 20.000 morts.
 
En 1999, la Croatie saisissait la CIJ. Motif : que soient établis des faits de génocide commis par les Serbes lors du conflit. Onze ans plus tard, la Serbie déposait une contre-plainte. Elle accusait également Zagreb de génocide, mais dans le cadre de l'opération militaire croate appelée Tempête, lors de laquelle 200.000 Serbes avaient fui la Croatie et les violences. Cette offensive avait mis fin à la guerre en 1995.
 
Entrée en fonction en 1946, la CIJ, qui juge les différends entre Etats, n'a reconnu qu'un seul génocide dans l’ex-Yougoslavie, celui de Srebrenica dans l'est de la Bosnie. Les troupes serbes de Bosnie y avaient tué, en juillet 1995, quelque 8.000 hommes et garçons musulmans.
 


Des politiques au diapason
«Une politique intelligente devrait tourner la page et se consacrer à panser les blessures ouvertes par la guerre, et tourner le regard vers l'avenir», a aussitôt réagi au jugement le Quotidien de Zagreb. En réponse au verdict qui ne les satisfait pas, les deux gouvernements se sont engagés à œuvrer en faveur de la paix dans les Balkans.
 
Pour le président croate, Ivo Josipovic, il revient aujourd’hui «aux hommes politiques de bâtir de bonnes relations entre les Etats». Son homologue serbe, Tomislav Nikolic, est sur la même ligne : «J'espère qu'à l'avenir, la Serbie et la Croatie auront la force de régler en commun tout ce qui entrave la possibilité d'instaurer une période de paix durable et de prospérité dans notre région.»
 
Conjointement, ces dirigeants ont promis de mettre en œuvre tous les moyens pour découvrir ce que sont devenues 1.600 personnes portées disparues depuis la fin de la guerre. Et aussi pour punir les auteurs des crimes commis dans chaque camp. Une manière de rendre justice aux victimes.
 
La page tournée a un coût
«Cette décision était attendue, ce qui met la question du financement de ces poursuites sur le devant de la scène», précise le site Euractiv. Le journal croate Jutarnji List a évalué le coût des procès à 3,7 millions d'euros pour la Croatie et 800.000 euros pour la Serbie. Sans doute le prix à payer pour tourner la page d’une sombre période de l’Histoire.
 
Pour autant, les spécialistes de la région interrogés par Euractiv estiment que «ce verdict pourrait alimenter la rhétorique nationaliste des deux côtés de la frontière. Selon eux, les relations entre Belgrade et Zagreb dépendront principalement de la réaction des hommes politiques.»
 
Des partenaires économiques
Quoi qu’il en soit, les échanges économiques n’ont pas attendu le verdict pour exister. Ils ont même été renforcés à l’aulne de la crise, que subit de plein fouet la Croatie, notamment. «Le poids de la Serbie dans la région en fait un partenaire économique régional incontournable pour la Croatie. Il en va de même pour la Serbie», indiquait à la mi-2013 le site Nouvelle-Europe.
 
Lequel montrait également qu’il existe un renforcement des relations entre les deux pays, favorisé par l’Union européenne, notamment dans les domaines policier et judiciaire depuis 2010. Le but visé étant de freiner mafias et trafics.
 
Sur le terrain, c’est plus compliqué
Pour certains civils, le mot réconciliation reste un gros mot. Ainsi, pour Danijel Rehak, responsable d'une association regroupant des anciens détenus croates dans des camps serbes, repris par l’AFP, «il n'y a pas de réconciliation ici». Originaire de Vukovar (à l’est de la Croatie), il a vu sa ville rasée par les forces serbes au début du conflit.
 
Face à lui, Miodrag Linta de l'Association des réfugiés serbes de Croatie persiste et signe : «Ces crimes de masse (lors de l’opération Tempête, NDLR) faisaient partie d'un plan des dirigeants croates visant à anéantir les Serbes.»
 
Le chemin de la réconciliation, on le voit, est sinueux. Pour l’heure, quelques initiatives personnelles voient le jour pour tenter de faire le lien entre les deux anciens ennemis. Comme celle de ces deux jeunes, l’un Croate et l’autre Serbe «qui ont créé un drapeau mixte Serbie-Croatie, comme signe de réconciliation entre les deux pays», ainsi que le signalait en 2011 GlobalVoices. Un signe d’espoir pour un avenir meilleur.

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