Espagne : les petits arrangements de Rajoy avec la réalité
Le gouvernement espagnol a vendu le plan d'aide de l'Eurogroupe comme une "victoire" pour le pays. La Commission européenne, l'opposition et la presse ont contredit ses déclarations. Une stratégie de communication à double tranchant ?
La pièce destinée aux conférences du chef du gouvernement espagnol est surnommée la salle "des mauvaises nouvelles"*. Les mesures d'austérité ou les hausses du chômage annoncées depuis cinq mois par le gouvernement de Mariano Rajoy n'ont pas failli à cette réputation.
C'est peut-être pour cette raison que Rajoy a choisi le lumineux Salon des colonnes, réservé aux grands événements, pour revenir sur le plan d'aide européen destiné à recapitaliser les banques espagnoles à hauteur de 100 milliards d'euros. Dans son discours du dimanche 10 juin, le chef du Parti populaire y a fait part de son optimisme et de sa confiance. Depuis, le chef du gouvernement essuie des critiques de la Commission européenne et au sein même de son pays. Revue de détail.
• Rajoy se donne le beau rôle
Depuis son arrivée au pouvoir en décembre 2011, Mariano Rajoy a toujours nié avoir besoin d'une assistance extérieure. "Non, l'Espagne ne fera pas appel aux fonds européens pour sauver ses banques", a-t-il encore déclaré le 28 mai. Avant d'assurer, dimanche 10 juin, qu'il était à l'initiative du secours de l'Eurogroupe. Le chef du gouvernement espagnol assure ne pas avoir subi de pressions de la part de la Commission européenne, mais avoir "fait pression (sur eux)" pour obtenir le plan d'aide.
Pourtant, dans une interview donnée mardi 12 juin au Financial Times, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, assure avoir convaincu Madrid d'accepter ce plan d'assistance. "Pour nous, le plan est totalement nécessaire, dans l'intérêt de l'Espagne et de l'Eurozone", a-t-il souligné.
• Il minimise les contraintes pour l'Espagne
"Ce qui a été négocié avec l'Eurogroupe n'aura que des conséquences positives sur le pays et n'aura pas d'influence sur la politique que nous menons", a assuré le chef de l'exécutif. Rajoy refuse par exemple de parler de "plan de sauvetage européen", et préfère évoquer une "ligne de crédit" destinée à renforcer les fonds propres des banques espagnoles.
Là encore, la réaction de la Commission européenne ne s'est pas faite attendre. "Rien n'est gratuit", a déclaré son vice-président Joaquin Almunia. "Bien sûr, des conditions seront posées. L'Espagne sera non seulement contrainte de rendre ce prêt, mais aussi soumise à un autre type de conditions", a-t-il indiqué.
• Son dilettantisme choque
Son vocabulaire, sa conférence de presse organisée presque 24 heures après la décision de l'Eurogroupe et son voyage express en Pologne, pour assister au premier match de la sélection nationale à l'Euro, ont suscité de vives critiques de l'opposition.
"Le chef du gouvernement croit qu'on vient de toucher le gros lot et ce n'est pas le cas," s'est indigné le chef du parti socialiste, Alfredo Perez-Rubalcaba. A l'exception du parti nationaliste catalan, allié du gouvernement, tous les partis de gauche ont qualifié le plan d'aide de "mauvaise nouvelle".
• Il maintient le flou sur les mesures prévues
Loin de calmer le jeu, le gouvernement refuse de dévoiler les détails du plan avant juillet. Les parlementaires exigent des explications mais Rajoy s'obstine. "Vous les aurez quand les procédures seront finalisées", a-t-il répondu.
Le parti d'extrême gauche, plusieurs syndicats ainsi que le mouvement des Indignés ont réagi en appelant à manifester contre des déclarations "fausses, pathétiques, contradictoires et irrespectueuses envers les citoyens espagnols".
* Tous les liens mènent vers des articles en espagnol.
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