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Espagne. D'où sort le scandale qui menace Mariano Rajoy ?

Le Premier ministre espagnol est sur la sellette depuis son apparition dans des notes manuscrites du trésorier du Parti populaire, lui-même impliqué dans une vaste affaire de corruption. Explications. 

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Mariano Rajoy, Premier ministre espagnol et patron du Partido popular, lors d'un meeting à Almeria (Espagne), le 19 janvier 2013.  (FRANCISCO BONILLA / REUTERS)

"Una situación dificilísima." Voilà, selon nombre de commentateurs espagnols, la position dans laquelle se trouve, lundi 4 février, Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol. Depuis la publication par El Pais, jeudi 31 janvier, des "carnets secrets" du trésorier du Partido popular (PP), le parti dont Rajoy est président depuis 2004, une pétition en ligne (en espagnol) a rassemblé près de 840 000 signatures pour réclamer son départ. Dans la foulée, l'opposition socialiste l'a qualifié de "fardeau" dans une Espagne en crise. Et d'exiger sa démission.

Entrepreneurs libérés sous caution et privés de passeports par crainte de fuites, élus soupçonnés de favoritisme, costumes chics payés en coupure de 500 euros et autres belles bagnoles, francetv info revient sur les deux principaux scandales de corruption qui secouent la droite espagnole jusqu'à la Moncloa, l’équivalent ibérique de Matignon. 

1A l'origine : "L'affaire Gürtel"

Cette enquête du juge Balthazar Garzón, ouverte le 6 février 2009, est la première épine dans le pied du PP. Elle vise un vaste de réseau de corruption à Madrid, Valence et sur la Costa del Sol. Blanchiment, trafic d’influence, favoritisme et fraude fiscale, une vingtaine d’entreprises, toutes gérées de près ou de loin par Francisco Correa (dont le nom traduit en Allemand donne Gürtel), auraient bénéficié de traitements de faveur de la part des communautés autonomes de Madrid et Valence, de Castilla y Leon et de Galice, toutes gérées par les conservateurs du PP à l’époque des faits.

Un maire est épinglé, explique El Pais (en espagnol), avec huit voitures de luxe, cinq motos et un bateau achetés en quatre ans. Plusieurs sociétés affichent un quasi-monopole sur les contrats d'évènements liés au parti et sur les marchés publics de construction. Le maire de Madrid reconnaît (en espagnol) par exemple l’attribution, avec une "manipulation du rapport technique", d’un contrat de 153 000 euros à l’une des sociétés de Correa pour la construction du stand de la Ville au Salon de l’immobilier de 2004.

Les investigations se rapprochent encore des dirigeants du PP lorsque sort, en avril 2010, le nom d’Alejandro Agag, le gendre de José Maria Aznar, l'ancien Premier ministre conservateur. Francisco Correa, la tête pensante du réseau, était le témoin de mariage d’Agag avec Ana Aznar. Parmi les élus d’ampleur nationale touchés : l’eurodéputé Gerardo Galeote mais aussi et surtout le sénateur et trésorier du parti, Luis Bárcenas.

2Au centre : Luis Bárcenas, trésorier du Partido popular

Le trésorier du Parti populaire espagnol, Luis Barcenas, à son arrivée à la Cour suprême de Madrid (Espagne), le 22 juillet 2009. (SERGIO PEREZ / REUTERS)

Il a survécu au scandale Naseiro, son prédécesseur à la gestion des finances du Parti, mais cette fois, c’est son nom qui figure sur les dossiers. "L. B.", "L. B. G." ou "Luis el cabrón", selon les documents saisis, est le deuxième bénéficiaire du réseau Gürtel après Correa lui-même. En tout, Luis Bárcenas pourrait avoir reçu près d'1,3 million d’euros (en espagnol).

Carré, cheveux poivre et sel soigneusement maintenus en arrière par du gel, perpétuellement hâlé, "plus craint que respecté" selon La Vanguardia (en espagnol) qui dresse son portrait, le trésorier du Parti populaire, nommé à ce poste par Mariano Rajoy en juin 2008 après avoir passé dix-huit ans comme gérant du PP, est dans le viseur de la justice. On lui découvre, entre autres, un compte suisse où s’accumulent près de 22 millions d’euros. Ressortent alors les documents comptables du PP, neuf caisses de carnets que Luis Bárcenas avait pourtant pris soin de rapatrier chez lui depuis le siège du parti (en espagnol) un samedi après-midi de juillet 2009.

La ligne de revenus interpelle. Elle comporte de très nombreux noms de chefs d'entreprise, essentiellement du BTP, et dont trois sont mis en cause dans "l'affaire Gürtel". Mais ce sont les dépenses qui fâchent le plus. Premier à révéler l’information le 18 janvier, le quotidien de centre-droit El Mundo (en espagnol), qui raconte comment Bárcenas payait des compléments de salaires de 5 000 à 15 000 euros en liquide à nombre de hauts dirigeants du PP. Jeudi 31 janvier, c’est le journal de centre-gauche El Pais (en espagnol) qui publie des copies des carnets manuscrits du trésorier, avec dates, montants du complément et nom des destinataires. Parmi eux : Mariano Rajoy.  

3 Au bout :  Mariano Rajoy, sur la sellette

Des manifestants demandent la démission du Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, devant le siège du PP à Madrid (Espagne) le 31 janvier 2013.  (SUSANA VERA / REUTERS )

Sur ces carnets, minutieusement consignés, des versements réguliers de sommes "au noir" à tous les secrétaires généraux et vice-secrétaires du Parti populaire. Trente-cinq notes en douze ans mentionnent le patron du PP et actuel Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, qui aurait bénéficié de ces compléments de salaires jusqu’en 2008. "Il apparaît dès 1997 avec des versements semestriels de 2,1 millions de pesetas (12 000 euros)", note El Pais (en espagnol), qui souligne que le total annuel ne varie jamais, à 25 200 euros. En tout cela fait 322 321 euros, sans compter les 9 100 euros de "costumes", 667 euros de "cravates du président" et quelques "extras Mariano".  

"Jamais, je répète, jamais, je n'ai reçu ni distribué de l'argent au noir, ni dans ce parti ni ailleurs", s'est défendu Rajoy devant les cadres de son parti, samedi 2 février, tout en promettant de publier ses revenus "prochainement" pour plus de "transparence". Mais le lendemain, il s'adresse à la presse derrière un écran, évitant toute question, souligne le blog "Espagne" du Monde.fr. Tous les jours, des milliers de manifestants se rejoignent devant le siège du PP à Madrid pour réclamer la démission du Premier ministre, également exigée par tous les partis de gauche, les socialistes du PSOE en tête. 

Alors que la justice se penche sur cette potentielle "caisse B" du PP, ce dernier promet des poursuites à l'encontre des responsables des fuites. Lundi 4 février, Luis Bárcenas a dénoncé une "manipulation grossière".

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