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Crimée : mésentente cordiale entre Russes et Occidentaux

L'entretien entre les chefs de la diplomatie américain, John Kerry, et russe, Sergueï Lavrov, a une nouvelle fois montré à quel point les positions de la Russie et des Occidentaux à propos de la Crimée sont éloignées. Lavrov, porteur du message de Vladimir Poutine, insiste sur la légalité du référendum prévu dimanche, tandis que Kerry évoque des sanctions immédiates contre des personnalités russes dès lundi, après le référendum. Aucune avancée n'a été enregistrée dans ce dossier.
Article rédigé par franceinfo
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  (Reuters)

Il n'y avait certes pas grand espoir que la réunion qui s'est tenue ce vendredi à Londres entre John Kerry et Sergueï Lavrov débouche sur une avancée dans le dossier ukrainien. Mais là, le fait même que les deux hommes aient donné des conférences de presse séparées donne une idée de la tension entre Russes et Occidentaux. Et pourtant, le compte Twitter du ministère des Affaires étrangères russe a tenté, à sa manière de détendre l'atmosphère.

("La pause est terminée, le match se poursuit. ")

A moins de 48 heures d'un référendum qui devrait déboucher sur le rattachement de la Crimée à la Russie, les canaux diplomatiques semblent complètement bouchés.

Moscou inflexible

Sergueï Lavrov l'a lui-même reconnu à la fin de l'entretien londonien. Il n'existe pas de "vision commune " entre Washington et Moscou sur le dossier ukrainien. Quoi qu'il arrive, et sachant que le "oui" au rattachement à la Russie devrait largement l'emporter dimanche en Crimée, le chef de la diplomatie russe a rappelé que son pays respecterait "le souhait des habitants de la Crimée ". D'ailleurs, Vladimir Poutine a insisté sur ce point lors d'un entretien avec le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon : le référendum criméen est "absolument conforme " au droit international et à la Charte des Nations Unies. En réponse, Ban Ki-moon a promis de rester "en contact étroit ", et veut croire encore en "une issue pacifique à cette crise ". Le Conseil de sécurité doit se réunir en urgence samedi matin pour voter une résolution condamnant le référendum ; Moscou mettra évidemment son veto, mais la position de Pékin est plus incertaine. Même si la Chine ne fait que s'abstenir, le signe d'un isolement de la Russie sera bien là.

Dans ce contexte, Sergueï Lavrov a quand même tenu à rassurer : la Russie "n'a pas et ne peut pas avoir le projet d'envahir le sud-est de l'Ukraine ". Une manière de répondre aux inquiétudes alors que de nombreux soldats russes ont pris position à la frontière, et que les tensions à Donetsk, où un jeune manifestant de 22 ans est mort jeudi soir, semblent aller crescendo. Vendredi soir, le groupe public russe d'armements Rostekhnologuiï a même indiqué avoir intercepté un drone américain qui volait au-dessus de la Crimée.

Les sanctions sont prêtes

De son côté, John Kerry a répété à quel point Washington considérait le référendum en Crimée comme "illégitime ". Position affirmée à maintes reprises ces derniers jours par Barack Obama. Le Secrétaire d'Etat américain a également dévoilé que "le président Poutine n'est prêt à prendre de décisions concernant l'Ukraine qu'après le référendum de dimanche ". En clair, John Kerry a pu s'apercevoir de lui-même que son homologue russe n'avait pas reçu mandat de son président pour avancer une quelconque proposition. Un coup d'épée dans l'eau, en somme, que cet entretien.

"Nous n'avons pas trouvé de terrain d'entente" (département d'Etat américain)

Si le référendum a bien lieu dimanche, Washington a déjà averti Moscou : une série de sanctions, en nombre "politiquement significatif ", pourrait être mise en route dès lundi en lien avec l'Union européenne. Les sources parlent de 25 à 30 personnalités russes visées par ces sanctions, dont les puissants patrons de Gazprom et Rosneft, Alexeï Millier et Igor Setchine. "L'idée est de viser des personnes ayant une responsabilité directe dans les menaces à l'intégrité territoriale de l'Ukraine ", indique une source proche de l'UE.

Eviter "l'escalade"

"Ni nous-mêmes ni la communauté internationale ne reconnaîtrons les résultats de ce référendum ", a averti John Kerry. Peu avant, le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, avait été clair : "Le soi-disant référendum serait une violation directe de la Constitution ukrainienne et de la loi internationale. S'il avait lieu, il n'aurait ni fondement légal, ni légitimité politique ". Il recevait au siège de l'organisation internationale le leader de la minorité tatare de Crimée, Moustafa Djemilev, opposant farouche au référendum de dimanche.

Autre farouche opposant, Arseni Iatseniouk, le Premier ministre ukrainien. A son retour d'une visite aux Etats-Unis, il a attaqué la stratégie russe : "Tout ce à quoi ils croient, c'est masser des chars et des troupes, des armements à la frontière ukraino-russe, et renforcer leur présence militaire en Crimée ". Enfin, une voix qui compte s'est fait entendre ce vendredi, celle de Mikhaïl Gorbatchev. L'ancien président soviétique a dit toute son inquiétide, et engagé les acteurs du dossier à tout faire pour arrêter "l'escalade " qui ne mène selon lui qu'à une nouvelle guerre froide.

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