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Cette France qui n'attire pas les migrants...

La France ne fait visiblement pas recette auprès des migrants, à la différence de l’Allemagne. Cette constatation amuse la presse anglo-saxonne, toujours prompte au «French bashing». Celle-ci explique le manque d’attractivité de l’Hexagone par, notamment, son fort taux de chômage et sa bureaucratie. Une «preuve supplémentaire du relatif déclin» du pays, pense le «New York Times».
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Migrants sur le site de la «nouvelle jungle» à Calais le 21 septembre 2015

Il faut le dire : c’est apparemment Le Monde, le premier, qui a sonné l’alarme. «Ces migrants que la France ne fait pas rêver», titrait le quotidien le 12 septembre 2015 alors que des milliers de réfugiés affluaient vers l’Allemagne. Et ce en dépit de la promesse du président François Hollande d’accueillir en urgence 1000 réfugiés.

Le Monde a enquêté au Palais des congrès de Munich. Là, «une dizaine de fonctionnaires de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), emmenés par leur directeur général, se démènent pour attirer les candidats. Las. Les haut-parleurs ont beau annoncer en arabe que les personnes intéressées peuvent s’embarquer immédiatement vers la France, les autocars ne partent pas toujours pleins», raconte le journal. Au total, en une semaine, l’Ofpra aurait réussi à convaincre 500 Syriens.
 
Voilà qui doit faire mal à l’orgueil de celle qui se vante d’être la «patrie des droits de l’Homme». «Quand on parle (aux migrants), on arrive facilement à les convaincre. (…) Les gens qui viennent ici (sous-entendu en Allemagne) ont (ce pays) en tête, les passeurs leur ont vendu un eldorado. Ils n’ont pas pensé à la France», se rassure le directeur général de l’Ofpra, Pascal Brice.

L’argument n’est sans doute pas faux. Mais il est probablement largement incomplet, comme on le constate à la lecture de la presse anglo-saxonne, qui se délecte de cette affaire. «Un fait frappant est largement passé sous silence par le personnel politique (français) : les migrants votent avec leurs pieds et ils ne choisissent pas la France», commentait le New York Times le 17 septembre.

Migrants dans l'attente de l'évacuation de leur camp de fortune près du pont d'Austerlitz à Paris le 17 septembre 2015 (REUTERS - Charles Platiau)

Manque d'attractivité
Alors pourquoi les migrants se détournent-ils de l’Hexagone ? «La paperasserie, des taux de chômage de plus de 10 % et l’interdiction de travailler (…) pendant le traitement des demandes d’exil» sont les raisons les plus souvent évoquées, répond le Telegraph britannique. Ainsi que des conditions de logement souvent «sordides». «La France ne dispose que 30.000 lits disponibles pour plus de 60.000 demandeurs d’asile. Résultat : beaucoup sont obligés de vivre avec des amis ou chez des parents, ou dans la rue.» 

La bureaucratie n’arrange pas les choses. A tel point que l’Ofpra a promis aux Syriens arrivés à Munich que leur dossier serait traité en deux semaines, là où il faut «parfois deux ans», souligne le New York Times. «Exemple de règle kafkaïenne française : l’obligation faite aux réfugiés d’avoir une adresse pour entamer le processus de demande d’asile. Mais le hic, c’est qu’on ne peut pas avoir d’adresse tant que l’on n’est pas dans le système», précise le Telegraph. L’histoire du serpent qui se mord la queue…

A cela s’ajoute l’aspect linguistique. Dans l’Hexagone, «peu de fonctionnaires parlent l’anglais et la plupart des documents à remplir sont seulement en français», constate le journal britannique. Alors que les Syriens, notamment les jeunes, parlent souvent «un bon anglais».l

Réfugiés syriens et irakiens avec des médecins au centre de séjour Hubert Renaud à Cergy-Pontoise (Val-d'Oise) le 9 septembre 2015 (REUTERS - Jacky Naegelen)

Mais la vraie raison du faible «recrutement» (expression du Monde) de réfugiés par la France est son manque d’attractivité. «C’est un présage inquiétant de la santé économique, et même démocratique» du pays, commente dans le Telegraph François Gemenne, chercheur au Centre de recherches internationales de Sciences Po Paris. Un pays qui, pour ce chercheur, serait en train de devenir «un gigantesque musée au coeur de l’Europe ayant perdu beaucoup de son dynamisme économique et social».

Mauvaise image
Cette mauvaise image serait renforcée par l’accueil fait aux migrants à Calais, avec les conditions de vie sordides de la «nouvelle jungle». «Les Syriens refusent d’y aller en raison de l’insécurité qui y règne», fait valoir, toujours dans le Telegraph, un responsable de Médecins du Monde. Et à l’heure des réseaux sociaux, de Facebook et de Whatsapp, les réfugiés «échangent leurs expériences» négatives. «Le campement le plus visible de migrants du pays, qui tournent leurs regards vers la Grande-Bretagne, est installé à Calais. C’est là une épine permanente dans son flanc», constate de son côté le New York Times.
 
Au-delà, la France, «avec ses discours incendiaires sur la nécessité d’empêcher les migrants de venir et de fermer les frontières, n’a pas vraiment déroulé le tapis rouge»  pour les accueillir, expliquent nombre d’experts interviewés par le quotidien américain. «Pour l’instant, cela convient» à Paris et au gouvernement français «de ne pas avoir à s’occuper d’un afflux massif de réfugiés», estime François Gemenne dans le Telegraph.

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