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Brexit ou pas Brexit : l’avis des eurodéputés français

Il faut se méfier des promesses électorales : surtout – et c’est rare - quand elles sont tenues. Début 2013, David Cameron joue sa réélection et promet un réferendum aux Anglais sur leur appartenance à l'UE. La suite, c'est un scénario de politique de politique intérieure britannique qui ébranle tout l'édifice européen.
Article rédigé par Bernard Weyl
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
  (CITIZENSIDE / Staisy Mishchenko / citizenside)

Ils sont au cœur de l’Europe : à Strasbourg, à Bruxelles, ils élaborent les lois européennes, les règles qui s’appliqueront demain aux 28 Etats membres de l’Union européenne.
Nos eurodéputés ont l’expertise : ils connaissent « l’animal européen ».
Ils connaissent aussi les Britanniques, pour travailler quotidiennement avec eux. Et visiblement, vous allez le voir, ce n’est pas toujours aisé.
Et aujourd’hui nos 74 eurodéputés français s’interrogent.
Et si, le 23 juin, nous passions de 28 à …27 ?
Plus on approche de cette fameuse date du 23 juin, plus la perspective d’un départ du Royaume-Uni devient possible : les sondages donnent les deux camps au coude à coude. Après 60 ans de construction européenne continue, ce qui semblait impensable se précise pourtant : un pays membre de l’UE serait prêt à quitter le navire.
Autant, la Commission européenne reste –logiquement- d’une grande neutralité sur la question, autant nos députés n’hésitent plus à s’exprimer, sans langue de bois.
Nous avons rencontré les représentants des 6 groupes dans lesquels siègent nos eurodéputés.
Ils évoquent d’abord leur sentiment sur ce réferendum.
Dans un deuxième temps, ils analyseront l’Europe du Brexit, si les Britanniques décident de nous quitter. Que se passera-t-il le lendemain du 23 juin ?
 
Eurodéputé depuis 2009, Dominique Riquet est un centriste (Parti radical), il siège à Strasbourg dans les rangs du groupe ALDE, le groupe libéral du Parlement. Le groupe le plus fédéraliste en Europe, où l’on ne cache pas qu’elle fonctionnerait beaucoup mieux sans les Anglais.
Sous ses faux airs de colonel de l’armée des Indes, Dominique Riquet a été l’un des premiers à mettre les pieds dans le plat.

 
On peut arriver au même résultat, le Brexit, en passant par une analyse radicalement différente. Le Front National (groupe ENL), on le sait, ne possède pas le fédéralisme européen dans son ADN. Florian Philippot, le n°2 du parti se félicite de cette consultation, quel qu’en soit le résultat. D’abord car cela ouvre une porte : un peuple est consulté sur sa volonté d’appartenir à l’UE. Pas tout à fait une première, puisque les Anglais avaient déjà voté en 1975, mais dans un contexte bien différent. Là, cela pourrait donner des idées à d’autres.
Et puis, en cas de Brexit, il prévoit une réaction en chaine.


 Jean-Luc Mélenchon siège au P.E. depuis 2009. Son groupe, la GUE, la gauche de l’hémicycle, regroupe le Front de Gauche, Die Linke, Podemos ou Syriza. La gauche anti-libérale, très critique envers une UE qui a toujours préféré la loi des marchés à l’intégration politique. Un credo très ancré au Royaume-Uni.
Jean-Luc Mélenchon critique aussi vivement le chantage britannique : obtenir toujours plus de l’UE sans s’y engager formellement. Les négociations de marchands de tapis de février entre Londres et l’UE ont agacé bon nombre d’eurodéputés, bien au-delà de la GUE.
Autant dire que l’hypothèse d’un départ des Anglais ne fâcherait pas le futur candidat à l’élection présidentielle.

 
Précision utile sur le fameux chèque britannique dont parlait Jean-Luc Mélenchon, survivance d’un accord arraché en 1984 par Margaret Thatcher : c’est la France qui contribue le plus à cet effort financier, entre 1 et 1,5 milliard d’euros par an. Plus rien ne justifie aujourd’hui ce rééquilibrage des comptes, excepté l’intransigeance britannique qui en refuse toute négociation.
La perspective historique, elle étaye aussi le propos d’Alain Lamassoure. Pilier du PE depuis plus de 16 ans, il débutait sa carrière politique dans le cabinet ministériel de Maurice Druon (Culture) au moment de l’entrée des Britanniques dans ce qui s’appelait encore la C.E.E., en 1973. Il dirige aujourd’hui la délégation française du PPE et préside la commission spéciale Taxe sur les rescrits fiscaux. Un des Français les plus influents du PE, grand connaisseur de la politique européenne. Pour lui, un Brexit ne serait pas une défaite de l’UE, car, à la base, chaque pays est souverain, donc libre d’adhérer ou de quitter l’Europe. Il sait de quoi il parle : il est l’un des auteurs de l’article 50 du Traité de Lisbonne qui stipule : « Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union. » Par contre, il y voit un danger pour les Anglais eux-mêmes.
 

C’est dit en des termes très diplomatiques, mais c’est clair : on n’avance pas avec les Anglais, sur les dossiers les plus politiques. Est-ce à dire que l’on parviendrait à résoudre certains de nos problèmes fondamentaux à partir du moment où ils ne seraient plus là ? Pour Pervenche Berès, spécialiste des affaires économiques et sociales qui dirige la délégation socialiste française (groupe S&D) la réponse est clairement non. Elle aussi est une de nos représentantes les plus anciennes au PE (depuis 1994), une militante de la construction européenne.  Autant dire que pour elle, le départ des Anglais serait un « signal épouvantable », un fait politique négatif qui ne résoudrait rien.

 
Chez les Verts, nous avons choisi de donner la parole au co-président du groupe, le belge Philippe Lamberts. Ce qui se joue dans ce referendum, selon lui, c’est la déconstruction d’un espace démocratique, imparfait, certes, mais porteur d’espoir pour l’avenir. Le referendum britannique, c’est selon lui l’expression d’un courant populaire de plus en plus porteur dans l’UE. Un scepticisme grandissant vis-à-vis des politiques menées à l’encontre de l’intérêt général, qui se traduit par un rejet violent des Institutions européennes.
 

A suivre : Brexit, le jour d’après …

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