Avortement : le retour en arrière de l'Espagne, un premier signe en Europe?
Aujourd’hui, la grande majorité des pays de l’Union européenne autorisent l’avortement. L'interdiction pure et simple de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) n'existe officiellement que dans deux pays, Malte et Andorre. Pour Malte, un protocole annexé au traité d'adhésion de l’île à l'Union Européenne garantit même aux Maltais que la législation européenne, actuelle et future, ne pourra modifier leur loi nationale sur l'IVG ni en affecter l'application chez eux.
Outre ces deux Etats, la Pologne et l’Irlande restaient jusqu’à présent les deux pays qui restreignaient le plus fortement le droit à ce choix. L’Espagne pourrait s’ajouter à cette liste.
Espagne : retour en arrière annoncé
Le Parti Populaire en avait parlé pendant la campagne électorale. Devenu Premier ministre, son chef, Mariano Rajoy, a décidé de réformer la loi espagnole, plutôt libérale, sur l’avortement. Le nouveau principe est d’interdire l’avortement sauf dans dans trois cas, résumés par le Planning familial français :
«-Grave danger encouru par la femme pour sa vie ou sa santé physique ou psychologique : le texte impose que le diagnostic soit émis par deux médecins différents et étrangers à l'établissement pratiquant l'avortement.
-Viol, à la condition est qu’elle ait déposé plainte.
-Malformation fœtale, sous réserve de deux rapports médicaux, l'un sur la mère et l'autre sur le fœtus, qui confirmeront le motif d'interruption de grossesse.»
Autre recul énoncé par le Planning familial : «Les personnes mineures devront avoir obligatoirement l'autorisation de leurs parents pour interrompre une grossesse non voulue.»
Promesse de campagne en 2011 du chef du gouvernement Mariano Rajoy mais retardé depuis, le projet de loi supprimant quasiment le droit à l'avortement en Espagne a été approuvé le 27 décembre 2013 par le Conseil des ministres, les féministes et la gauche dénonçant un «retour de 30 ans en arrière». Ce projet annule de fait la loi de 2010 qui autorise l'avortement jusqu'à 14 semaines et jusqu'à 22 semaines en cas de malformation du fœtus.
La loi de 2010 était, avec le mariage homosexuel, l'une des réformes phare de l'ex-gouvernement socialiste. Le nouveau texte doit être adopté par le parlement où la droite dispose d’une confortable majorité, mais rencontre cependant des oppositions au sein même de son camp.
Irlande : une loi plus libérale
En juillet, le parlement irlandais a voté une loi qui assouplit l’interdiction de l’avortement. La nouvelle loi autorise l’avortement dans un cadre très stricte et précis : en cas de danger pour la vie de la femme. «Elle n'autorise l'avortement ni en cas viol, d'inceste ni en cas d'anormalités observées sur le fœtus », remarque cependant le Planning familial français.
«Le débat avait été rouvert après le décès fin octobre de Savita Halappanavar, une Indienne de 31 ans victime d'une septicémie après une fausse couche à 17 semaines de grossesse. Elle s'était vu refuser une IVG alors que le fœtus qu'elle portait était en train de mourir. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait par ailleurs condamné l'Irlande en décembre 2010 pour avoir interdit l'avortement à une femme en phase de rémission d'un cancer, qui craignait que sa grossesse n'entraînât une récidive de sa maladie. En 1992, la Cour suprême irlandaise avait jugé qu'une femme avait le droit d'avorter si sa vie était en danger, mais cette décision n'avait jamais eu jusque-là de transposition législative», rappelle Le Monde.
Pologne : de nombreux avortements illégaux
Autre Etat de l’Union européenne à pratiquer une politique très restrictive en matière d’avortement, la Pologne. La Pologne n’autorise les interruptions volontaires de grossesse qu'en cas de viol, d'inceste et de danger pour la vie ou la santé de la mère.
Hormis ces exceptions, l'avortement est illégal et passible de deux ans de prison pour toute personne qui le pratique. «Selon les chiffres officiels du ministère de la Santé, il y a eu 669 avortements en 2011, aucun résultant d'un viol ou tout autre crime... Ce chiffre, dans un pays de plus de 38 millions d'habitants, illustre combien il est difficile d'accéder à un avortement légal dans la pratique. Le gouvernement polonais ignore constamment les effets nocifs de la législation actuelle », note le Planning familial.
Des chiffres cités par des organisations féministes font état de 180.000 avortements clandestins pratiqués chaque année dans ce pays. Seule bonne nouvelle dans ce pays où la lutte contre le libre choix des femmes est toujours vive, la chambre basse du Parlement polonais, a rejeté en septembre un amendement destiné à renforcer encore davantage la sévère loi anti-avortement en vigueur.
Pas de texte européen
L'Europe n'a jamais émis de directive sur ce sujet. En décembre, le Parlement européen a rejeté un texte qui réclamait, pour les femmes, un accès généralisé à la contraception et à des services d'avortement sûrs. Ce texte, non contraignant, portée par la socialiste portugaise Edite Estrela a été rejeté par l'adoption d'un autre texte qui confirmait la primauté des Etats sur ces questions.
Mais au-delà des textes, le Planning familial dresse un bilan assez sombre. «Le climat est délétère en Finlande où une ministre a qualifié l’avortement de boucherie et juge qu’il ne doit être autorisé à aucun stade de la grossesse. En Italie, jusqu’à 85% des médecins font appel à la clause de conscience pour ne pas en pratiquer. En Hongrie, la seule clinique offrant l'avortement médicamenteux a fermé en janvier sous la pression politique. Au Luxembourg, l’accès à l’IVG est plus difficile depuis la réforme de 2012 qui n’autorise que les médecins gynécologues à la pratiquer; quant à la Belgique, de moins en moins de médecins répondent à la demande d’IVG. Des menaces sérieuses pèsent sur d'autres pays : en mai, le Parlement lituanien a renvoyé en commission parlementaire une proposition de loi prévoyant l'interdiction de l'avortement, aujourd'hui autorisé jusqu'à la 12e semaine», écrit l'organisation française .
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