Cet article date de plus de cinq ans.

"À partir de maintenant, vous êtes notre mémoire" : Ginette Kolinka, rescapée de la Shoah, part à la rencontre des jeunes

Ginette Kolinka, 94 ans, survivante du camp de concentration et d'extermination d’Auschwitz-Birkenau, sillonne la France pour raconter son histoire aux jeunes élèves. Elle était mardi à Esbly, en Seine-et-Marne.

Article rédigé par Benjamin Mathieu - Edité par Pauline Pennanec'h
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Ginette Kolinka, survivante de la Shoah, à la rencontre d'élèves de CM2, le 7 mai 2019 à Esbly (Seine-et-Marne).  (BENJAMIN MATHIEU / RADIO FRANCE)

Alors que l'on commémore mercredi 8 mai le 74e anniversaire de la victoire du 8-Mai 1945, durant la Seconde Guerre mondiale, près de six millions de juifs ont été tués par l'Allemagne nazie. Peu de témoins survivants de la Shoah peuvent encore témoigner aujourd'hui. Ginette Kolinka, 94 ans, en fait partie. 

Cette grande dame est venue toute seule en train à Esbly (Seine-et-Marne), depuis Paris, avec une petite valise à roulettes dans laquelle se trouvent des photos des camps de concentration. Elle est venue raconter à 65 élèves de CM2 son histoire, comme elle le fait quasiment tous les jours de l'année, partout en France.

Ginette Kolinka, survivante de la Shoah, à la rencontre d'élèves de CM2, le 7 mai 2019 à Esbly (Seine-et-Marne).  (BENJAMIN MATHIEU / RADIO FRANCE)

"C'est l'usine de la mort"

"Quelqu’un nous a dénoncé. Nous étions juifs et on ne s’était pas fait recensé. Donc on était fautif", témoigne-t-elle. En mars 1944, la jeune femme est arrêtée avec son père, son frère et son neveu. Ils sont déportés à Birkenau, un camp d'extermination en Pologne. Seule Ginette en reviendra. "J’aperçois des cheminées, de la fumée. Ah ! Je vais peut-être travailler dans cette usine !", se dit-elle.

Ça dégage une drôle d’odeur, une fumée grise assez épaisse, mais bon, je pensais que c’était l’usine. Eh bah c’est une usine, mais c’est l’usine de la mort.

Ginette Kolinka

à franceinfo

Pendant près de deux heures, les élèves de CM2 sont très concentrés et c'est beaucoup à leur âge. À la fin de son intervention, énormément de questions, comme celle de ce jeune garçon : "Après votre sortie du camp, est-ce que vous avez réussi à reprendre une vie à peu près normale ?". Elle lui répond : "J’ai repris une vie normale pour ainsi dire tout de suite, car j’ai eu la chance de retrouver ma famille."

"Comment vous avez fait pour être vivante encore ?", demande une fillette. "Je me demande, comment j’ai fait pour résister à ça. On ne sait pas", répond d'un air grave la rescapée.

Ginette Kolinka, survivante de la Shoah, à la rencontre d'élèves de CM2, le 7 mai 2019 à Esbly (Seine-et-Marne).  (BENJAMIN MATHIEU / RADIO FRANCE)

"Vous êtes notre mémoire"

Ginette Kolinka parle de cette inhumanité, des conditions horribles de détention, de la mort omniprésente... Mais elle a aussi un message à délivrer : "Plus tard, vous n’aurez pas du tout l’idée de dire ‘il est noir’, ‘il est Chinois’, ‘il est juif’, non. Vous, vous serez des enfants extraordinaires et des adultes extraordinaires. À partir de maintenant, vous êtes notre mémoire."

Paradoxal, car elle le dit elle-même : elle n'est pas forcément convaincue sur ses milliers de conférences qu'elle donne : "Vous dire si je crois à ce que je fais, bah je mentirais, parce que j’y crois qu’à moitié." Mais témoigner est aussi sa raison d'être : "Je pense que ce sont eux qui me donnent l’énergie, c’est de faire ce que je fais justement. Ca me stimule, et tant que je pourrai le faire, je le ferai."

Elle a les yeux bleus, j’ai la peau marron, il a les cheveux noirs, tout le monde est différent mais on reste des êtres humains.

Séréna

à franceinfo

Pour Séréna, 10 ans, c'est une leçon qu'elle retient : "Dans sa conférence, on parle de Hitler parce qu’il déteste les juifs, parce qu’ils sont différents, alors que tout le monde est différent."

Ginette Kolinka sera à Pau pour parler à d'autres élèves, jeudi 9 avril, jour de parution de son livre Retour à Birkenau (Grasset) avec Marion Ruggieri, en librairie.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.