Après les attentats de Bruxelles, les survivants du 13 novembre ont "l'impression de s’enfoncer dans les ténèbres"
Les attaques terrroristes qui ont visé la capitale belge ont ravivé les souvenirs des attentats de Paris. En particulier chez les victimes et leurs proches, submergés par l'émotion.
Deux explosions dans un aéroport et une dans le métro. Bruxelles a été endeuillée par des attaques terroristes qui ont fait au moins 31 morts et 270 blessés, mardi 22 mars. Ces attentats, revendiqués par le groupe Etat islamique, ont un écho singulier à Paris. En particulier pour les victimes des attentats du 13 novembre et leurs proches. "C’est juste ignoble, ça nous ramène tout en pleine face", confie Jérôme, un rescapé du Bataclan, à francetv info.
Au téléphone, le trader de 43 ans est fébrile. "Je pensais avoir en partie digéré les événements de novembre, je croyais être prêt à faire face si une nouvelle attaque se produisait, explique-t-il entre deux bouffées de cigarette. Je pensais avoir progressé, mais j’ai fait un grand pas en arrière mardi."
"Tout ce qu'on voulait enfouir remonte à la surface"
Emmanuel Domenach, un autre rescapé du Bataclan, est lui aussi "sous le choc". Lorsqu’il a appris la nouvelle des attentats à Bruxelles, mardi matin, il a eu "l’impression de s’enfoncer dans les ténèbres".
J’ai revécu l’attaque du Bataclan. Il m’a fallu plus de deux heures pour réussir à prendre le métro pour aller travailler. J’avais les jambes coupées.
"Tous les sentiments contre lesquels je me bats depuis le 13 novembre, l’hypervigilance, l’impression d’être vulnérable quel que soit l’endroit où je me trouve, la peur de l’autre… Toutes ces choses qu'on voulait enfouir remontent à la surface depuis l’attentat à Bruxelles", explique le vice-président de l’association de victimes, 13 novembre : fraternité et vérité, à francetv info.
Après avoir hésité à contacter la psychiatre qui l'accompagne, Emmanuel Domenach a finalement réussi à "dépasser sa peur tout seul". "Ma psy m’avait dit que le pire, c’était l’évitement, souligne-t-il. Alors j’ai retrouvé les bons réflexes, je me suis raisonné et je suis allé prendre le métro."
"Il y a d'autres Lamia de Bruxelles"
Les proches des victimes du 13 novembre ont eux aussi été affectés par les attentats de Bruxelles. Jean-François Mondeguer a eu l'impression de revivre la mort de sa fille Lamia, tuée à la terrasse du restaurant La Belle équipe. "Je ne me sens pas traumatisé pour autant, estime-t-il. Peut-être parce que j'ai essayé de ne pas trop regarder les images des attaques. Peut-être, aussi, parce que je suis encore dans le drame du 13 novembre. Quelque chose s'est arrêté pour moi ce jour-là."
Jean-François Mondeguer a toutefois tenu à participer au rassemblement en hommage aux victimes de Bruxelles, mardi soir, sur le parvis de l'Hôtel de ville de Paris. "Je voulais y être parce qu’il y a d’autres Lamia à Bruxelles", confie-t-il à francetv info.
D’autres proches vont chercher des blessés dans les hôpitaux, comme ça nous est arrivé. Peut-être même que d’autres parents vont vivre l’horreur absolue, comme nous l’avons vécue lorsque les corps de ma fille et d’une autre victime ont été confondus.
Emmanuel Domenach était lui aussi présent au milieu de la foule, mardi soir, face à l'Hôtel de ville éclairé aux couleurs de la Belgique. "J'avais peur, mais je voulais montrer ma solidarité avec les victimes, martèle-t-il. Après les attentats du 13 novembre, j’ai été très touché par les manifestations de soutien, notamment venues de Belgique. Je leur devais d’être là."
"L'impression que le 13 novembre n'a servi à rien"
Au-delà de l’angoisse provoquée par les attaques à Bruxelles, c'est bien de la colère que ressentent certaines victimes des attentats de Paris. "Rien n’a été fait depuis le 13 novembre, tonne Jérôme. On se gargarise d’avoir renforcé les mesures de sécurité, mais en réalité rien n’est sous contrôle et des terroristes continuent de se balader à travers l’Europe." "Il y avait des militaires à l’aéroport de Zaventem et ça n’a rien changé", renchérit Emmanuel Domenach.
Ce qui nous bouffe, c'est l'impression que le 13 novembre n'a servi à rien.
Pour le rescapé du Bataclan, les gouvernements européens "n'arrivent pas à appréhender la question de la lutte contre les réseaux jihadistes". Comme Jérôme et Jean-François Mondeguer, Emmanuel Domenach s'attend donc à de nouvelles attaques dans les prochains mois. "Je pensais qu'on avait porté un petit coup à l'Etat islamique avec l'arrestation de Salah Abdeslam, mais les attentats de Bruxelles sonnent comme un retour à la réalité. On va vivre longtemps avec le risque terroriste."
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