A Bruxelles, lors de la veillée d'hommage : "Ce qui est grave, c'est qu'on s'habitue"
Plusieurs centaines de personnes sont venues spontanément place de la Bourse, au cœur de la capitale belge, afin de rendre hommage aux victimes des attentats qui ont fait au moins 30 morts et 200 blessés, mardi.
"Je suis Bruxelles." Il règne, place de la Bourse, dans la capitale belge, comme un air de déjà-vu. A l'occasion d'une veillée spontanée, quelques centaines de personnes sont venues rendre hommage aux victimes des attentats, mardi 22 mars au soir. "Toujours belle, toujours grande", "Pourquoi tant de haine !"... Rédigés à même le sol, à l'aide de craies, des messages fleurissent le pavé, à la lumière des cierges. Ils forment un cœur qui bat encore un peu. Pourtant, les participants semblent accueillir le drame avec résignation.
"J'ai très vite compris." Et pour cause, Estelle n'a pas l'habitude d'être tirée du lit par ses deux colocataires, comme cela été le cas mardi matin, après les premières explosions. Non loin de son immeuble, l'Université libre de Belgique a été évacuée. Les trois jeunes filles sont restées cloîtrées une bonne partie de la journée, alors que les transports en commun ont repris vers 16 heures. Ce mardi soir, elle est venue chanter La Brabançonne (l'hymne national belge), du Piaf, du Lennon... "Le pire, c'est qu'avec les images de Paris, on a déjà l'impression d'avoir vécu ça." Cette réminiscence a-t-elle désamorcé le choc ? L'ambiance est un peu moins pesante que place de la République, à Paris, après les attentats de 2015. "Lors du lockdown à Bruxelles, en novembre dernier [la ville a été sous alerte maximale pendant plusieurs jours], j'étais très marquée. Ce qui est grave, c'est qu'on s'habitue. A quand la prochaine fois ?"
Au loin, une sirène de police retentit, sans troubler pour autant les participants. Des bières sont vidées au pied des marches, où une banderole "Je suis Bruxelles" est déployée. Dans un coin, un jeune homme est furieux contre ces "mecs qui ne foutent rien de la journée avec leur religion". Mais dans l'ensemble, le discours "peace and love" tranche avec l'horreur de la matinée. Roumains tous les deux, Alex et Anna, la vingtaine, vivent depuis une dizaine d'années en Belgique. "Ce matin, mon ami a déposé sa belle-mère à l'aéroport et l'explosion a retenti à une cinquantaine de mètres d'elle. Elle est très choquée." Alors il est venu, avec un drapeau belge autour du cou. "Ces événements touchent toute l'Europe, même s'il ne faut pas tomber dans la paranoïa."
"On a dû rester confinés toute la journée dans notre école, et ensuite on est allées chez une amie, qui habite à côté." Assis sur les marches de la Bourse, un jeune homme a encore du mal à réaliser. "En fait, c'est incompréhensible. C'est comme une sorte de cauchemar, mais c'est réel." Un peu plus loin, un autre a imprimé des feuilles de papier, avec des slogans inspirés des attentats commis en France. "Je suis Bruxelles, je n'ai pas peur." Mais quand on lui demande s'il ne craint pas de nouveaux attentats, il préfère hausser les épaules. "C'est dur, c'est dur. Comme en Tunisie, comme au Kenya, comme à Paris."
Au fil de la soirée, les journalistes sont aussi nombreux que les participants au rassemblement. L'arrivée de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, et de Charles Michel, Premier ministre belge, excite la foule. Par miracle, les cierges déposés sur le sol résistent à la tornade des caméras.
Un peu plus tard, Thor, un étudiant, insiste pour nous montrer une inscription : "Vos guerres, nos morts." Ce natif d'Anvers reproche aux pays occidentaux de vendre des armes et de nouer des contrats avec des pays comme l'Arabie saoudite. Mais ce soir, c'est "Nique Daech et vive la vie !" Et comme pour conjurer l'horrible routine des attaques, une petite phrase est écrite en jaune, quelque part sur la place : "We refuse to sink" ("Nous refusons de couler").
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