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Scandale Volkswagen : un préjudice pour toute l’économie allemande?
Première entreprise d’Allemagne en termes de chiffre d’affaires, Volkswagen a détrôné en 2015 le japonais Toyota comme premier constructeur automobile mondial. Aujourd’hui, le groupe est rattrapé par un scandale de contrôle antipollution, qui écorne le «Made in Germany». L’affaire est d’autant plus grave que le gouvernement était apparemment au courant des possibilités de contourner ces contrôles…
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«Nous sommes en train de réinventer le plus grand constructeur automobile d'Europe», expliquait le 15 septembre 2015 Martin Winterkorn, patron du groupe Volkswagen. Et de parler de «nouvelle ère». En promettant que «d'ici la fin de la décennie, nous aurons transformé chacune de nos nouvelles voitures en smartphone sur roues».
Le PDG pouvait alors avoir de quoi être satisfait. Il faut dire qu’en moins de 20 ans, le groupe aux 12 marques est passé «du statut d’acteur régional (dans le Land de Basse-Saxe) un peu vieillot» à celui d’acteur mondial, à l’égal de Toyota et de General Motors, rapporte Le Monde.
Le groupe d’outre-Rhin réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de plus de 200 milliards d’euros. Et emploie environ 600.000 personnes, dont 46% en Allemagne, dont il est le plus gros employeur privé. Un chiffre résume l’expansion de la dernière décennie : depuis 2007, Volkswagen a embauché 144.000 personnes.
«Elle est moche…»
Bref, jusqu’il y a peu, VW était l’entreprise de tous les records. Mais les difficultés ont commencé avec le départ de son dirigeant historique Ferdinand Piëch. Elles se sont poursuivies avec l’effondrement des ventes au Brésil, en Russie et surtout en Chine où le groupe réalise 40% de ses ventes. A cela s’ajoute désormais le scandale des moteurs diesel : la firme a reconnu qu’elle avait installé un logiciel pour truquer les tests anti-pollution sur 11 millions de ses véhicules. Soit la production de plus d’une année!
L’aveu a fait prendre au scandale une ampleur inédite. «Jamais, Volkswagen n’avait autant été secoué. Certes, sous le règne de son PDG Martin Winterkorn, fanatique de qualité, les voitures (du groupe) n’étaient pas bon marché. Mais le client en avait plus pour son argent qu’ailleurs. Volkswagen, les marques comme le groupe, étaient un symbole de solidité. Ils représentaient un idéal de l’ingénierie allemande. Depuis ce week-end (celui du 19-20 septembre 2015), cette image est égratignée et cabossée», commente l'éditorialiste Ulf Poschardt dans le quotidien conservateur Die Welt.
Volkswagen, la «voiture du peuple» née sous Hitler, a d'ailleurs toujours joué sur la fiabilité du «made in Germany», ce label de sérieux né dès la fin du XIXe siècle, à l’époque de l’essor de l’empire allemand face à la Grande-Bretagne. Pour vendre son emblématique Coccinelle aux Etats-Unis, jugée trop petite et trop ronde par des Américains habitués aux lignes droites et à l'allure massive des Cadillac et autres Ford, la firme allemande avait déjà, dans les années 60, conçu une réplique publicitaire fort pragmatique : «Elle est moche, mais elle vous emmène à destination» («It's ugly, but it gets you there»).
«Enorme préjudice» pour l’Allemagne
Dans ce contexte, le scandale est «une catastrophe d’image par excellence», commente l’universitaire Ferdinand Dudenhöffer, spécialiste du secteur automobile. Pour autant, «jusqu'ici, le ‘‘made in Germany’’ (n'avait) pas triché ni fraudé», remarque-t-il. «Personne n'aurait imaginé que Volkswagen puisse mentir», ajoute-t-il.
«Jusque là, les voitures allemandes étaient une référence en matière de fiabilité et d’ingénierie propre, pas en matière de tromperie et de manipulation. Si cette réputation se retrouve sérieusement menacée, alors la croissance et la prospérité de ce pays sont menacées, car un emploi sur sept dépend directement ou indirectement de l'industrie automobile», s'inquiète de son côté l'éditorialiste Ulrich Schäfer, dans le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung.
D’une manière générale, c'est fort d'une promesse de fiabilité et de qualité que l'Allemagne peut exporter pour plus de 100 milliards d'euros par mois, ses voitures, mais aussi ses produits chimiques et ses machines outils. Ce n’est donc pas un hasard si le gouvernement fédéral a rapidement donné de la voix. La chancelière Angela Merkel a ainsi exigé «la transparence totale» sur cette supercherie.
Le gouvernement savait-il ?
Mais selon le journal Die Welt, le pouvoir doit lui aussi se poser quelques questions potentiellement très gênantes. Car depuis juillet, il savait apparemment qu’il est «possible de truquer les tests de gaz d’échappement». A une question des parlementaires verts sur cette affaire, il avait répondu partager «l’avis de la Commission européenne» sur les techniques de fraude, à savoir que ces techniques «n’avaient pas suffisamment fait leurs preuves jusqu’ici»…
L’affaire met aussi crûment en lumière les relations très proches, et les intérêts croisés, entre l’industrie automobile (qui a développé tout un discours autour de ses «diesels propres» !) et les milieux politiques. A titre d’exemple, Sigmar Gabriel, actuel ministre de l’Economie, vice-chancelier et président du SPD, a ainsi été, dans le passé, lobbyiste de Volkswagen…
Politiquement, le scandale éclate au plus mauvais moment pour Angela Merkel. Laquelle se verrait volontiers en «chancelière du climat» et aimerait que la sortie du nucléaire et la transition énergétique restent les marques de fabrique de son passage aux affaires. Aujourd’hui, elle se retrouve en porte-à-faux, pour avoir constamment défendu les intérêts de son industrie automobile. En repoussant notamment la mise en place des limites d'émissions européennes.
Le PDG pouvait alors avoir de quoi être satisfait. Il faut dire qu’en moins de 20 ans, le groupe aux 12 marques est passé «du statut d’acteur régional (dans le Land de Basse-Saxe) un peu vieillot» à celui d’acteur mondial, à l’égal de Toyota et de General Motors, rapporte Le Monde.
Le groupe d’outre-Rhin réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de plus de 200 milliards d’euros. Et emploie environ 600.000 personnes, dont 46% en Allemagne, dont il est le plus gros employeur privé. Un chiffre résume l’expansion de la dernière décennie : depuis 2007, Volkswagen a embauché 144.000 personnes.
«Elle est moche…»
Bref, jusqu’il y a peu, VW était l’entreprise de tous les records. Mais les difficultés ont commencé avec le départ de son dirigeant historique Ferdinand Piëch. Elles se sont poursuivies avec l’effondrement des ventes au Brésil, en Russie et surtout en Chine où le groupe réalise 40% de ses ventes. A cela s’ajoute désormais le scandale des moteurs diesel : la firme a reconnu qu’elle avait installé un logiciel pour truquer les tests anti-pollution sur 11 millions de ses véhicules. Soit la production de plus d’une année!
L’aveu a fait prendre au scandale une ampleur inédite. «Jamais, Volkswagen n’avait autant été secoué. Certes, sous le règne de son PDG Martin Winterkorn, fanatique de qualité, les voitures (du groupe) n’étaient pas bon marché. Mais le client en avait plus pour son argent qu’ailleurs. Volkswagen, les marques comme le groupe, étaient un symbole de solidité. Ils représentaient un idéal de l’ingénierie allemande. Depuis ce week-end (celui du 19-20 septembre 2015), cette image est égratignée et cabossée», commente l'éditorialiste Ulf Poschardt dans le quotidien conservateur Die Welt.
Volkswagen, la «voiture du peuple» née sous Hitler, a d'ailleurs toujours joué sur la fiabilité du «made in Germany», ce label de sérieux né dès la fin du XIXe siècle, à l’époque de l’essor de l’empire allemand face à la Grande-Bretagne. Pour vendre son emblématique Coccinelle aux Etats-Unis, jugée trop petite et trop ronde par des Américains habitués aux lignes droites et à l'allure massive des Cadillac et autres Ford, la firme allemande avait déjà, dans les années 60, conçu une réplique publicitaire fort pragmatique : «Elle est moche, mais elle vous emmène à destination» («It's ugly, but it gets you there»).
«Enorme préjudice» pour l’Allemagne
Dans ce contexte, le scandale est «une catastrophe d’image par excellence», commente l’universitaire Ferdinand Dudenhöffer, spécialiste du secteur automobile. Pour autant, «jusqu'ici, le ‘‘made in Germany’’ (n'avait) pas triché ni fraudé», remarque-t-il. «Personne n'aurait imaginé que Volkswagen puisse mentir», ajoute-t-il.
«Jusque là, les voitures allemandes étaient une référence en matière de fiabilité et d’ingénierie propre, pas en matière de tromperie et de manipulation. Si cette réputation se retrouve sérieusement menacée, alors la croissance et la prospérité de ce pays sont menacées, car un emploi sur sept dépend directement ou indirectement de l'industrie automobile», s'inquiète de son côté l'éditorialiste Ulrich Schäfer, dans le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung.
D’une manière générale, c'est fort d'une promesse de fiabilité et de qualité que l'Allemagne peut exporter pour plus de 100 milliards d'euros par mois, ses voitures, mais aussi ses produits chimiques et ses machines outils. Ce n’est donc pas un hasard si le gouvernement fédéral a rapidement donné de la voix. La chancelière Angela Merkel a ainsi exigé «la transparence totale» sur cette supercherie.
Le gouvernement savait-il ?
Mais selon le journal Die Welt, le pouvoir doit lui aussi se poser quelques questions potentiellement très gênantes. Car depuis juillet, il savait apparemment qu’il est «possible de truquer les tests de gaz d’échappement». A une question des parlementaires verts sur cette affaire, il avait répondu partager «l’avis de la Commission européenne» sur les techniques de fraude, à savoir que ces techniques «n’avaient pas suffisamment fait leurs preuves jusqu’ici»…
L’affaire met aussi crûment en lumière les relations très proches, et les intérêts croisés, entre l’industrie automobile (qui a développé tout un discours autour de ses «diesels propres» !) et les milieux politiques. A titre d’exemple, Sigmar Gabriel, actuel ministre de l’Economie, vice-chancelier et président du SPD, a ainsi été, dans le passé, lobbyiste de Volkswagen…
Politiquement, le scandale éclate au plus mauvais moment pour Angela Merkel. Laquelle se verrait volontiers en «chancelière du climat» et aimerait que la sortie du nucléaire et la transition énergétique restent les marques de fabrique de son passage aux affaires. Aujourd’hui, elle se retrouve en porte-à-faux, pour avoir constamment défendu les intérêts de son industrie automobile. En repoussant notamment la mise en place des limites d'émissions européennes.
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