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Le journal turc «Günes» caricature Merkel en Hitler

«Günes», le quotidien turc, fait un pas de plus dans l’excès, caricaturant la chancelière allemande en Adolf Hitler. Le 13 mars 2017, le journal allemand «Bild» traitait Erdogan de «petit homme du Bosphore». Tabloïd contre tabloïd, la presse populaire allemande et son homologue turque s'impliquent dans la crise entre les deux pays. Et dérapent.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min

Angela Merkel en uniforme nazi, affublée d’une petite moustache, pose devant un drapeau à croix gammée. Le ton est donné. Günes, un tabloïd turc proche du pouvoir, reprend à son compte les propos excessifs des dirigeants turcs. Toute la une du journal est du même ton :«Hitler au féminin», «Tante Moche», et mot-dièse #frauHitler.


 
Lundi 13 mars, c’était le Bild, autre journal populaire, mais allemand cette fois, qui lançait ses attaques contre le président Erdogan.

«Bild dit ses quatre vérités à Erdogan», titrait le quotidien le 15 mars 2017, qui annonce également que des hackers «fanatiques pro-Erdogan» ont lancé une vaste attaque contre l’Unicef, le Borussia Dortmund, Amnesty, et bien d’autres.
 
«Vous n'êtes pas un démocrate, vous portez préjudice à votre pays! Vous n'êtes pas le bienvenu ici!», écrit l’éditorialiste Tanit Koch. La charge au vitriol se poursuit. «Dans sa folie du pouvoir, l'égomaniaque Erdogan attise les Turcs contre l'Europe.»

L’Allemagne a été la première à subir les foudres du président Erdogan. Au cœur de la brouille, le référendum constitutionnel prévu le 16 avril en Turquie. Erdogan veut un régime présidentiel, mais il semble avoir du mal à convaincre ses compatriotes. Alors le régime s’est engagé dans un immense «diaspora tour» en Europe, pour tenter de convaincre les expatriés turcs de voter «oui» et d’apporter la victoire.
 
Meetings verboten
Or, début mars, des municipalités allemandes ont interdit à des ministres turcs d’intervenir au cours de meetings. Puis le Land de Sarre en a fait de même. Dans le même temps, plusieurs pays d’Europe, dont les Pays-Bas en pleine campagne électorale, en faisaient de même. Seule la France ne voyait aucun trouble à l’ordre public et autorisait la présence des ministres turcs lors des meetings.
 
Interdit de parole en Allemagne, Erdogan est de plus en plus véhément vis-à-vis du pouvoir allemand. Le 5 mars, il l’accuse d’user de «pratiques nazies», lorsque les municipalités ont commencé à interdire les meetings. «Si je veux je viendrai», lance t-il menaçant. «Si vous m’arrêtez à la porte et ne me laissez pas parler, je mettrai le monde sans dessus dessous.»
 
Lundi 13 mars, il a attaqué directement Angela Merkel lors d’un discours. Il accuse la chancelière de «soutenir des terroristes». Selon lui l’Allemagne abrite des militants de la cause kurde, mais aussi des putschistes présumés, impliqués dans le coup d’Etat avorté du 15 août 2016 en Turquie. Angela Merkel a jugé ces propos «aberrants».

Les Turcs d'Allemagne mal aimés 
L’Allemagne est bien sûr en première ligne dans l’offensive d’Erdogan. La population d’origine turque y est estimée à 2,7 millions d’habitants. Des manifestations opposant les pro et les anti-Erdogan se déroulent dans le pays comme le rapporte Der Spiegel. Aux yeux du journal, la communauté turc allemande n’a jamais été aussi divisée en 50 ans de «Gastarbeiter», la politique dite des «travailleurs invités».
De leur côté, les Allemands sont de plus en plus critiques. «Comment est-il possible que tant de jeunes qui ont grandi ici, soutiennent un homme qui tente de détruire ces valeurs démocratiques dont les Allemands sont si fiers», écrit le journal dans le même article.
 
Cette campagne anti allemande d’Erdogan, libère également la parole. Et la diaspora turque n’est pas tendre vis-à-vis du pays hôte.  Les propos rapportés par l’agence Reuters sont en ce sens éloquants. «La façon dont les Turcs sont traités ici est réactionnaire», estime Ergun Gumusalev, qui habite Cologne. «Je suis opposé à Erdogan  mais comment est-ce possible? Où vit-on? Cela fait 50 ou 60 ans qu'on est ici, exploités comme des porcs (...) et voilà comment on nous remercie», s'indigne-t-il.
 
Et dans ce concert populiste, il n’est pas étonnant de retrouver, in fine, le tabloïd allemand aux deux millions d’exemplaires quotidiens. Nationalisme contre nationalisme, pas certain que les Turcs d’Allemagne en sortent vainqueurs.

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