La traque des derniers criminels nazis
Assigné à résidence à son domicile à Budapest dans l'attente de son procès, Laszlo Csatari aurait dû être jugé pour «crimes contre l'humanité». Il était notamment accusé de la déportation en 1944 vers les camps d'extermination nazis de quelque 12.000 juifs détenus dans le ghetto de Kosice (Kassa), en Slovaquie. Ce pays se trouvait à cette époque sous administration de la Hongrie, alliée de l'Allemagne.
Condamné à mort par contumace en 1948 à Kosice, alors en Tchécoslovaquie, Csatari s'était réfugié au Canada où il gagnait sa vie comme marchand d'art. En 1995, les autorités canadiennes ayant découvert sa véritable identité, il s'était enfui en Hongrie où il a vécu, apparemment sans être inquiété, jusqu'à son arrestation en 2012.
Son décès «montre la difficulté de juger les plus vieux criminels de guerre», observe le président de l’Association des fils et filles des déportés juifs de France, Serge Klarsfeld (qui avec sa femme Beate a joué un rôle fondamental dans les procès Barbie et Papon). Ces personnes, qui ont entre 90 et 100 ans, meurent progressivement. Et le problème «est de prouver leurs crimes en raison de l'absence de témoins», ajoute-t-il.
L'Allemagne a condamné en 2011 l'ancien gardien du camp de Sobibor, John Demjanjuk, à cinq ans de prison, ce dont il avait fait appel. Il avait comparu en chaise roulante ou sur un brancard - une mise en scène, selon certains. Il est mort un an plus tard à l'âge de 91 ans. La justice allemande étudie actuellement une cinquantaine de cas. En mai 2013, les autorités de Berlin ont également arrêté un nonagénaire, Hans Lipschis, soupçonné de complicité de meurtres dans le camp d’Auschwitz où il aurait été gardien.
Egalement en 2011, la justice hongroise a déjà jugé un ancien criminel de guerre nazi présumé, Sandor Kepiro, qui avait été acquitté faute de preuves. Il est mort depuis, en septembre 2011, à l'âge de 97 ans.
Auxiliaires des nazis
Le centre Simon Wiesenthal, qui pourchasse ces individus dans le monde entier, a dressé une liste des principaux criminels de l’époque nationale-socialiste. Mais il en resterait «au moins des centaines, voire des milliers» d’autres. «Les derniers criminels de guerre ne sont plus des décideurs mais des exécutants» de l’Holocauste, constate Serge Klarsfeld. Dans tous les pays occupés, les Allemands «avaient de nombreux auxiliaires (étrangers, NDLR). En Europe de l’Est, nombre d’entre eux ont effectivement participé aux massacres. Ils étaient alors relativement jeunes», précise le directeur du centre Simon Wiesenthal, Efraim Zuroff.
Parmi eux: d'anciens membres des Einsatzgruppen, escadrons de SS ou de policiers qui ont commis des massacres en suivant l’avance de l’armée allemande, mais aussi des gardes de camps de concentration et d'extermination.
Ceux qui sont encore en vie sont disséminés dans le monde entier. Il y en aurait «au moins des dizaines en Amérique latine, principalement en Argentine, mais aussi au Brésil, au Chili, au Paraguay, en Bolivie et en Uruguay» observe Efraim Zuroff
Criminels encore en vie
Euronews, 16-7-2012
Pour le responsable du centre Simon Wiesenthal, l’Autriche reste un «paradis pour les criminels de guerre nazis». Ce pays, qui n’a pas réussi «à (en) faire condamner ne serait-ce qu'un seul» au cours des 30 dernières années, détiendrait «le pire record» en la matière. Efraim Zuroff estime par ailleurs que la législation allemande sur la protection des données personnelles l’empêcherait de retrouver leurs traces.
Quoi qu’il en soit, son organisation a lancé le 23 juillet Outre-Rhin une ultime campagne pour traquer les derniers assassins en vie. Une campagne intitulée «Opération dernière chance», avec un slogan : «Tard, mais pas trop tard».
Depuis le procès des principaux responsables du Troisième Reich à Nuremberg (1945-1946), 106.000 personnes ont été accusées de crimes de guerre. Quelque 13.000 ont été jugés et la moitié d'entre elles condamnées, selon l'Office allemand chargé d'élucider les crimes nazis. Six millions de juifs ont été exterminés par l’Allemagne hitlérienne. Sans parler des autres victimes : Tziganes, homosexuels…
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