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Allemagne: l'assourdissant silence sur les violences contre des femmes à Cologne

L'Allemagne a découvert, effarée, qu’une vague de près de deux mille hommes avait déferlé sur Cologne à l’occasion de la Saint-Sylvestre. Par groupes de 40 ou 60 personnes, ils se seraient livrés à tous les débordements, allant des vols à des agressions sexuelles, voire plusieurs viols. Le pays est sous le choc.
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Cologne (Allemagne), le 6 janvier 2016. Manifestation sur la place de la gare centrale de Cologne où, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, plusieurs centaines d'agressions ont été perpétrées, essentiellement sur des femmes.
 (OLIVER BERG/DPA)

Des faits similaires, mais de moindre ampleur, ont aussi été signalés dans les villes de Hambourg (nord) et Stuttgart (sud-ouest), comme en Autriche, à Zurich en Suisse et en Finlande. 

Le 1er janvier 2016, au lendemain de ces événements, la police publiait un communiqué faisant état d’une nuit sans incident notable. Sauf qu’au fil de cette première journée de janvier, et dans les jours suivants, les dépôts de plainte se sont succédé jusqu’à atteindre plusieurs centaines, pour la plupart relatifs à des faits d'agressions sur des femmes. La police de Cologne n’en a révélé l’ampleur que lundi, soit trois jours après les faits. Mais au 10 janvier c'étaient plus de 500 plaintes qui ont été déposées, dont 40% pour agression sexuelle. Hambourg en compte, quant à elle 133.
 
Opposants aux migrants et théorie du complot
Si l’on rajoute à celà que les agresseurs étaient décrits comme d’apparence «nord-africaine ou arabe», il n’en a pas fallu plus à tous les opposants à l’accueil massif de réfugiés et migrants pour crier au complot. Accusant, au passage, les médias  de collusion, en taisant les faits dans leurs journaux. Les autorités ont eu beau objecter que rien n’indiquait, dans un premier temps, que des réfugiés étaient impliqués, la brèche était néanmoins ouverte. Ultérieurement, force a été de contater que beaucoup de réfugiés, syriens ou autres, et des immigrés en situation illégale, étaient bien impliqués.

Alors que le compteur des plaintes atteint désormais 500, le chef de la police de Cologne, s'est vu notifier sa mise à la retraite d'office le 8 janvier 2016. Depuis près de 31 suspects ont été identifiés et 18 d'entre eux sont des demandeurs d'asile. Il s'agit de vérifier le degré d'implication de chacun dans les molestations dénoncées, les agressions sexuelles représentant près de 40% des faits, mais on compte aussi beaucoup de vols (voire un mélange des deux). 
 
Loin d’apaiser les esprits, les excuses présentées par la ZDF (la télévision nationale allemande) se reprochant sa propre «négligence» ont attisé la polémique. Plus globalement, le peu d'écho des médias avant le 4 janvier sur cette affaire est également mis en question. Le site spécialisé Meedia a ainsi relevé qu'il a fallu «quatre jours» pour que les faits soient «relatés de façon exhaustive au niveau national».

L'affaire alimente du coup aussi les thèses complotistes et celles de mouvements hostiles aux réfugiés, à l'image de Pegida qui fustige régulièrement la «presse mensongère». Samedi 9 janvier, les militants de l'extrême-droite ont défilé dans les rues de la ville pour protester contre la politique de portes ouvertes aux réfugiés syriens, aux cris de «étrangers dehors» et «l'Allemagne aux Allemands». Les1700 protestataires de Pegida, ont été accueillis par une contre manifestation et près de 2000 policiers sur-équipés.
 
De la longueur d’un bras
Le scandale s’est mué en farce quand la maire de Cologne a décidé de prodiguer aux femmes des conseils relatifs à leur sécurité. Et voila Henriette Reker, maire sans étiquette de la métropole rhénane, de recommander aux femmes de respecter «une certaine distance, plus longue que le bras».

A l’image du «Shame on you» («honte à vous») d'une twitto, une autre utilisatrice s'est montrée outrée sur twitter qu'on suggère «aux femmes de changer de comportement et pas aux agresseurs». Indignation partagée par la ministre de la Famille, des Femmes et de la Jeunesse, Manuela Schwesing, qui twitte : «Nous n'avons pas besoin de règles de comportement pour les femmes, ce sont les auteurs des faits qui doivent rendre des comptes.»

Ont ensuite succédé la raillerie et les boutades sur le réseau social sous le hashtag #ArmlaengeAbstand, mot allemand pour «distance de plus d'un bras».

Ainsi, une femme ironisait: 
«Je ne me suis plus sentie autant en sécurité que depuis que je me promène les bras écartés» 

Une autre feignait de regretter «les effets pernicieux d'une distance de plus d'un bras... Je ne peux plus payer à la caisse»! Même si le ton est à la blague grinçante, l'ambiance reste très tendue suite à ce nouvel an plus que houleux.

Quand les uns crient à la manipulation et au procès d’intention, les autres voient un complot et une volonté de cacher les faits. Et le ministre régional de l'Intérieur, Ralf Jäger de déclarer «ma décision (de suspendre le chef de la police de Cologne NDLR) est à présent nécessaire pour regagner la confiance du public et la capacité d'action de la police de Cologne ». Les policiers présents ce soir là ont été totalement dépassés par l'ampleur du mouvement. Pas loin de 2000 hommes, totalement ivres, se jetant sur les femmes, accompagnées ou non, ont eu raison des fonctionnaires débordés. D'autant qu'ils sont eux-mêmes devenus l'objet de leur vindicte.
 
L'émoi national est très grand et tous les partis politiques demandent que des décisions soient prises à l'encontre de ceux qui contreviendraient aux lois allemandes, réfugiés, demandeurs d'asile ou pas. Angela Merkel s'était elle-même dite prête à examiner «si tout ce qui est nécessaire a été fait en matière de modalités d'expulsion pour envoyer un signal clair à tous ceux qui ne veulent pas respecter nos règles de droit». Elle se dit même favorable à l'expulsion des réfugiés qui seraient condamnés, même avec sursis. La direction de son parti, la CDU, s'est mise d'accord pour demander que la perte du droit d'asile en Allemagne, soit plus systématique en cas de délit.

Une situation dont la chancelière se serait volontiers passée…

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