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Etats-Unis : après le shutdown, le bug de l'Obamacare

DECRYPTAGE | Le shutdown avait presque réussi à faire oublier l'entrée en vigueur de la réforme du système de santé américain. Le site internet qui doit permettre à des millions d'Américains d'accéder à une assurance maladie fonctionne au ralenti depuis son ouverture le 1er octobre. Certains commencent à dire qu'il a été lancé trop tôt pour satisfaire le calendrier politique, en occultant les réalités techniques.
Article rédigé par franceinfo
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Après "shutdown", le mot qui risque de bousculer l'administration Obama
pourrait être "bug". Le site gouvernemental healthcare.gov, où les Américains doivent s'inscrire pour avoir une
assurance maladie (surnommée Obamacare) rencontre des problèmes techniques.
Ralentissements, problème de connexion, depuis son lancement le 1er octobre,
les problèmes se multiplient. Une situation jusqu'ici occultée par l'impasse
budgétaire
qui a paralysé le pays pendant trois semaines.

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shutdown et la stratégie suicidaire des républicains
 

Une situation qui arrangerait
presque les républicains qui se sont battus pour que cette
réforme ne passe pas
 . "Ce qui me brise le cœur, (...) c'est que
nous éclipsons totalement le fait que le lancement d'Obamacare a été mené de
manière catastrophique
", déplore le sénateur républicain Lindsey Graham. "Cela
montre à quel point elle [la réforme] va être problématique dans le futur
",
a ajouté un républicain de Louisiane.

Une expérience du "tiers-monde"

Dans les rangs même du camp
Obama, ces bugs suscitent l'agacement et l'inquiétude. Dès le mois de
mars, soit sept mois avant le lancement du site, Henry Chao, l'un des
responsables de l'Agence de développement d'Obamacare, s'était dit "très
nerveux
", quant au respect des délais. "Faisons juste en sorte que
ce ne soit pas une expérience du tiers-monde
", avait-il déclaré lors d'une
conférence de presse. 

Mercredi dernier, la ministre américaine de la Santé a avoué qu'il y avait des petites
difficultés. "Je suis la première à vous dire que le site est plus
coriace que nous avions pensé
", a dit Kathleen Sebelius sur CNN,
expliquant, "nous sommes en train de l'améliorer ". L'un des responsables du service presse de la
Maison blanche parle quant à lui d'un fait "atrocement embarrassant ".

Le jour de la mise en ligne du site, Barack Obama, lui, a rappelé le lancement récent du nouveau
système d'exploitation pour mobiles d'Apple
: "Au bout de
quelques jours, ils ont trouvé un bug, qu'ils ont donc réparé. Je ne me rappelle
pas que quiconque ait suggéré à Apple d'arrêter de vendre des iPhones ou des
iPads ou de faire fermer le groupe s'il ne le faisait pas
".

Un site lancé trop tôt...

D'où viennent ces bugs ?
L'agence de presse Reuters s'est procuré des documents qui montrent que le site
n'était pas prêt le 1er octobre. L'administration Obama aurait même
injecté au printemps des "dizaines de millions de dollars " en
plus de ce qui était prévu pour l'ouvrir à temps. Scott Amey, conseiller chez
Project government oversight, qui analyse les contrats signés par le
gouvernement américain, s'interroge : "Comment le plafond (de
dépenses ndlr) est passé de 93,7 millions à 292 million ?
". Il
suppose : "Quelque chose a changé. Cela suggère qu'ils se sont rendu
compte qu'il y avait des problèmes au printemps dernier et qu'ils n'y arriveraient
pas avec 93,7 millions de dollars
".

Une décision certainement prise par l'administration Obama qui ne voulait pas
transiger sur sa promesse d'une réforme du système de santé votée dans le
budget 2014
. Une réforme pour laquelle le président a dû se battre avec
les républicains.

... ou stratégie économique ?

Mais si healthcare.gov ne
marche pas, ou pas bien, ce n'est pas seulement à cause des problèmes
techniques. En tout cas, c'est la théorie du journal économique Forbes . Un
article publié en début de semaine
, démontre que si le site ne fonctionne pas, c'est à cause d'un embouteillage de données.

Le journaliste explique :
"Healthcare.gov vous oblige à créer un compte et à entrer des
informations personnelles détaillées avant de pouvoir souscrire à une assurance
".
Pendant que le gouvernement les vérifie, et décide si vous avez droit aux aides
ou non, le "trafic se densifie " et automatiquement le site
fonctionne plus lentement. Ce que "savait le département de la Santé "
selon Forbes . Une théorie qui est de plus en plus accréditée par des experts à
l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement.

Selon Forbes, le site est lent également parce que le
gouvernement "ne veut pas que vous sachiez
combien cela coûte
". Les personnes
qui s'inscrivent sur healthcare.gov pour demander à avoir accès à une couverture
maladie, ne sont pas informées du coût de l'assurance. "Par exemple ",
note le journaliste, "le site peut vous proposer une assurance de 0 ou 30
dollars, au lieu de vous expliquer qu'elle coûte réellement 200 dollars et que
vous recevrez une aide de 200 dollars seulement si vous êtes proche du seuil
de pauvreté
". Pour lui, "Obamacare n'a pas été faite pour les gens en santé qui ont des rentrées d'argent moyennes, mais pour les forcer à payer plus en vue de subvenir aux besoins des gens proches du seuil de pauvreté ".

"Si tout cela n'est pas réglé d'ici quelques jours, les gens vont perdre confiance en Obamacare" (consultant)

Face aux critiques,
l'administration refuse pour le moment de divulguer le nombre d'Américains qui
ont souscrit une assurance sur son site, promettant des données mensuelles à
compter du mois de novembre.

Selon
Aneesh chopra, ex-directeur chargé des nouvelles technologies à la Maison
blanche sous Obama, il y a eu "250.000" inscriptions. Loin des sept millions d'Américains qui pourraient souscrire une assurance dès 2014 grâce au système. "Si tout
cela n'est pas réglé d'ici quelques jours, les gens vont perdre confiance en Obamacare
",
prévient Bob Laszweski, consultant spécialisé dans l'industrie et le marché de
la santé. "Et seuls les gens les plus malades, ceux qui sont prêts à supporter
tous ces problèmes, à attendre en ligne, à patienter des heures au téléphone,
vont souscrire au programme. Il n'y aura alors pas assez de souscripteurs en
bonne santé pour équilibrer le système
".

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