: Témoignage "Je veux savoir qui sont les responsables" : en Espagne, les crimes du franquisme pourraient bientôt être jugés, plus de 50 ans après
"C'est un premier pas très important, c'est casser l'impunité pour la première fois. Et ça, c'est historique !" Carles Vallejo avait 20 ans en 1970 lorsqu’il a été arrêté. La police lui reprochait d’avoir monté un syndicat clandestin dans l’usine automobile Seat. Pendant trois semaines, il est torturé dans les sous-sols du commissariat de Barcelone. On l’attache, on le frappe et on l'empêche de respirer.
Pour la première fois depuis la fin de la dictature, et grâce à la nouvelle loi de mémoire historique, le parquet espagnol réclame l'ouverture d'une enquête, 53 ans après, sur les tortures qu'il a subies.
>> En Espagne, pour la première fois une victime du régime de Franco est entendue par un juge
Une loi votée en 2022 par le gouvernement Sanchez permet à la justice d’enquêter sur les crimes de la dictature franquiste (1939-1975). Le silence imposé par la loi d'amnistie, adoptée en 1977, se termine. Mais Carles Vallejo ne cherche pas à punir ses bourreaux. "C'est une question de justice réparatrice. Je veux savoir qui sont les responsables. Et en plus, notre génération qui a subi cette expérience traumatique, on a besoin de réparation psychologique. On ne l'a jamais eue."
Mettre fin à une amnésie collective
Pour tous ceux qui continuent à réclamer un procès du franquisme, la demande du parquet est une première victoire, mais ils ont d’autres revendications. Le commissariat où a été torturé Carles Vallejo à Barcelone est toujours en activité. "Je suis venue pour revendiquer que le bâtiment de la police nationale espagnole soit livré à la population, explique Maria, qui manifeste avec d'autres militants tous les quinze jours devant le bâtiment pour réclamer sa fermeture. Qu'il devienne un espace de mémoire, de mémoire des victimes du franquisme. Ce bâtiment fait mal à beaucoup de personnes."
Carles Vallejo espère maintenant qu’un juge accepte d’enquêter sur les tortures qu’il a subies. À travers son combat, l’ancien syndicaliste, exilé un temps à Paris, puis en Italie, veut transmettre la mémoire aux plus jeunes générations. Il s’agit selon lui de mettre fin à une amnésie collective.
"Ce n'est pas une question personnelle. Nous sommes la dernière génération vivante du franquisme et je crois que c'est aussi important pour les nouvelles générations, pour faire une pédagogie démocratique."
Carles Vallejo, syndicaliste torturé sous la dictature franquisteà franceinfo
Le chemin pour arriver à un procès est encore long mais cette première victoire pourrait créer en Espagne un précédent et d’autres victimes pourraient voir leur plainte examinée par la justice.
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