"Nous avons tapé du point sur la table" : en Catalogne, les anti-indépendantistes rééquilibrent le rapport de force
Les opposants à l'indépendance de la Catalogne ont manifesté dimanche à Barcelone et opéré ainsi un rééquilibrage du rapport de force avec les indépendantistes. C'est dans ce contexte que s'ouvre une semaine cruciale en Espagne.
Une semaine après le référendum d'autodétermination en Catalogne, Madrid et Barcelone sont toujours dans l’impasse. Les deux camps restent fermes et campent sur leurs positions. Dimanche 8 octobre, les anti-indépendantistes ont envahi les rues de Barcelone. Alors que Carles Puidgemont, le président catalan, s’exprimera devant son Parlement mardi pour possiblement proclamer l'indépendance de la Catalogne, les opposants ont réussi à rééquilibrer le rapport de forces. Ils sont plus que jamais audibles dans ce conflit. La semaine s’annonce donc cruciale et les enjeux ont changé.
Les indépendantistes relèvent la tête
Dans un quartier d'affaires situé au nord-ouest de Barcelone, Alberto marche d'un pas pressé. "Depuis dimanche, on montre que toute la discrimination qu'on subit depuis des années, ça suffit", affirme ce jeune homme aux yeux bleus, qui était dans le cortège anti-indépendantiste dimanche. Pour lui, la manifestation a raisonné comme un appel : " Le gouvernement catalan nous a toujours méprisés et ne nous a jamais reconnus, ni nos opinions. Hier on a dit 'Stop' au peu de reconnaissance qu'ils ont pour nous", s'enthousiasme-t-il dans son costume noir, les écouteurs dans les oreilles.
Ils nous méprisent depuis le début, ils ont même manipulé ce qu'on a fait dimanche. Nous avons tapé du poing sur la table parce que cette situation devient intenable.
Alberto, opposant à l'indépendance de la Catalogneà franceinfo
Pour Andres, les unionistes ont repris les rues de Barcelone aux indépendantistes. Maintenant, dès qu'il le faudra, dès que l'unité nationale sera en péril, ils n'hésiteront plus à se faire entendre, ils ne se cacheront plus. "Je suis content que les gens sortent dans la rue de façon pacifique et qu'ils expriment leur point de vue, se réjouit-il. Ce qui est beau dans les sociétés c'est le respect, être traité correctement et que tout le monde puisse manifester. Ce qui me déplaît, c'est l'habilité de quelques-uns à prendre la loi comme ça les arrange."
Le rapport de forces rééquilibré entre pro et anti
Ramon, lui, profite du soleil assis sur un banc. Ce matin, il s'est réveillé satisfait. "Puigdemont doit être préoccupé ! De plus Soraya Sáenz de Santamaria, le bras droit de Rajoy, a dit qu'ils allaient appliquer l'article 155." Cet article de la Constitution pourrait permettre au gouvernement espagnol de suspendre l'autonomie de la Catalogne. Carmen se réjouit elle aussi du message envoyé aux indépendantistes, dimanche. "Ils pensaient qu'on serait quatre et, vous avez vu, nous nous sommes manifestés finalement !" Pour cette femme originaire d'Aragon, une province autonome située juste à l'ouest de la Catalogne, les indépendantistes ne sont pas honnêtes. "Ils trompent les gens. Ils ne se rendent pas compte qu'on va finir comme le Venezuela, sans rien." Mariée à un madrilène, mère d'enfants tous nés en Catalogne, Carmen l'affirme :
Nous nous sentons Espagnols avant tout.
Carmen, originaire d'Aragon et habitante de Catalogneà franceinfo
Antonio, lui, se montre un petit peu plus mesuré quant au rapport de force établi avec les indépendantistes. Pour lui, les opposants d'une Catalogne indépendante lèvent un peu plus la tête et sont décomplexés mais ils ne sont pas les plus forts. "On a instauré le doute par rapport à ce que la Catalogne va décider parce qu'avant seuls les indépendantistes comptaient. Maintenant, la balance est équilibrée."
Une semaine cruciale pour la Catalogne
Face à ce regain d'orgueil des opposants à l'indépendance, il est difficile d'imaginer Mariano Rajoy lâcher du lest aux partisans de Puigdemont. Depuis le référendum, il se montre intransigeant. Dans un entretien accordé au quotidien El País dimanche, le chef du gouvernement espagnol est resté ferme, en brandissant la menace d'une suspension de l'autonomie de la Catalogne. "Je n'écarte rien", a-t-il assuré. S'il met sa menace à exécution, le chef du gouvernement espagnol devra appliquer l'article 155 de la Constitution. Cela n'a jamais été fait dans l'histoire de l'Espagne.
Il y a aussi beaucoup de fermeté du côté de Carles Puigdemont, le président catalan. Mardi, il s'exprimera devant le parlement catalan. À cette occasion, une déclaration unilatérale d'indépendance n'est pas impossible. "Nous ferons ce que nous sommes venus faire", a affirmé Puigdemont dimanche dans un documentaire diffusé à la télévision. Un autre scénario pourrait également voir le jour, si le président indépendantiste annonce que proclamer l'indépendance prendra plus de temps que prévu. Certains dirigeants séparatistes aimeraient en effet qu'elle soit reportée de plusieurs mois.
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