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Espagne : où vont s'arrêter les «Indignés» de Podemos ?

Aux élections locales du 24 mai 2015, Podemos a conforté son ancrage dans la vie politique espagnole. Ce parti, qui veut dire «nous pouvons», né officiellement en 2014, visait à traduire politiquement le succès du mouvement des «indignés» qui protestait contre la politique d’austérité imposée à l’Espagne, reprenant le titre du livre de Stéphane Hessel. Retour sur ce succès.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le leader de Podemos, Pablo Iglesias, sur scène au soir des élections municipales de Madrid, le 24 mai. Un membre du parti montre un tshirt sur lequel est écrit «Jeune sans avenir, sans maison, sans travail, sans revenu, sans peur». (GERARD JULIEN / AFP)

Les élections municipales et régionales du 24 mai en Espagne ont été marquées par un recul des deux principaux partis, le Parti populaire (PP, conservateurs) au pouvoir et le Parti socialiste (PSOE) et la progression d'un jeune parti centriste Ciudadanos (les Citoyens), et de Podemos, le parti de la gauche de la gauche. Ce dernier, avec des alliances, pourrait gouverner Madrid et Barcelone. Un vrai changement pour l'Espagne.

(Traduction : Vers le rétablissement de la dignité à Madrid, grâce au score de la liste Ahora Madrid dirigée par Manuela Carmena, dans laquelle se trouve Podemos).

La naissance de Podemos
Mai 2011, des centaines de milliers de manifestants défilent dans les rues des principales villes espagnoles. Le mouvement des Indignés est né le 15 mai 2011 (d’où son autre nom de mouvement du 15 mai, 15-M) sur la place de la Puerta del Sol à Madrid. Ce jour-là, les manifestants protestent contre les politiques d’austérité nées après la crise économique de 2008.
 
Parmi les inspirateurs du mouvement, on trouve notamment le livre de Stéphane Hessel, «Indignez vous !» qui s’est vendu à plus de 4 millions d’exemplaires en France, et à des centaines de milliers en Espagne. Dans ce livre, l’auteur, ancien déporté, vantait l’idée de résistance.

Convertir l’indignation en changement politique
Le succès des Indignados surfe sur le rejet du bi-partisme (PPE, PSOE), de la corruption, de la crise, d'un chômage à plus de 20%. Il rencontre un grand succès dans la jeunesse, universitaire notamment, qui se retrouve confrontée à une politique d'austérité qui ne créé pas d'emplois. Il se développe via les réseaux sociaux.
 
Depuis, le mouvement s’est structuré. Podemos est né en janvier 2014. Son manifeste «Prendre les choses en main, convertir l’indignation en changement politique»  exprime la nécessité de transformer la mobilisation sociale du mouvement des Indignés en processus électoral, notamment en vue des élections européennes de mai 2014.

Bien que ne figurant pas parmi les signataires du manifeste, le mouvement a porté à sa tête le professeur de sciences politiques et analyste politique télévisuel, Pablo Iglesias.

Succès aux Européennes 2014
Quasi inconnu, le parti Podemos émerge lors des européennes du 25 mars 2014. La toute jeune formation obtient près de 8% des voix (7,97%) et se place au 4e rang des partis espagnols, dont les deux premiers le PP (conservateurs) et le PSOE (soc) sont en recul de 16% chacun… signe d’une recomposition du paysage politique et d’une désaffection pour les deux formations qui ont géré l'Espagne depuis le retour de la démocratie. 

Lors de ces européennes, le pays voit, comme la Grèce, les partis traditionnels reculer. Mais en Grèce, les deux partis dominants sont regroupés dans une alliance. Résultat, lors de ces élections, la Grèce avait placé Syriza en tête. Quelques mois plus tard, le parti de Tsipras gagnait les élections générales...

(Traduction : Maintenant, nous acceptons avec joie le défi de gagner en novembre)

Quelle progression ?
Au lendemain des municipales du 24 mai 2015, la presse espagnole souligne le nouvel ancrage du mouvement Podemos dans la carte politique espagnole. «Changement politique aux dépens du PP», titrait le journal de centre-droit El Mundo, soulignant «la forte irruption» de Podemos et «la notable ascension de Ciudadanos», le parti de centre-droit, montrant que «le panorama politique espagnol est entré dans une nouvelle phase» à quelques mois des législatives.
 
La presse souligne le recul du PPE et note que «le PSOE accuse un grand recul dans les grandes villes» mais «pourra gouverner dans six régions de plus si elle parvient à des accords avec Podemos», le parti anti-libéral qui a confirmé «sa forte irruption», écrit ainsi El Mundo.

Podemos va désormais devoir gérer sa progression, un signe de bon augure avant les législatives de novembre. En attendant, Podemos va sans doute être confronté au pouvoir et au jeu compliqué d'éventuelles alliances. Le mouvement pourrait y laisser des plumes ou gagner en crédibilité. 

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