Un site naturel classé à l'Unesco sur trois menacé "par du braconnage à très grande échelle"
Selon Pascal Canfin, directeur général de WWF France, un tiers des sites naturels classés par l'Unesco sont "menacés par du braconnage à très grande échelle". Il appelle à une "vraie volonté politique" pour lutter contre le trafic d'espèces protégées.
Selon un rapport de l'organisation indépendante de protection de l'environnement WWF publié mardi 18 avril, 30% des 238 sites naturels et mixte classés au patrimoine mondial de l’Unesco, sont menacés par le trafic d'espèces sauvages. Cela veut dire qu'ils sont menacés de braconnage, d'exploitation forestière illégale ou de pêche illégale. Par ailleurs, la moitié des sites naturels de l'Unesco sont menacés par les activités indutrielles de manière générale, c'est-à-dire aussi bien par le braconnage et la déforestation, que les activités d'extraction de gaz ou de pétrole par exemple.
Selon Pascal Canfin, directeur général de WWF France, le classement de l'Unesco est un classement de "papier" : un tiers des sites naturels et mixte classés par l'Unesco sont "menacés par du braconnage à très grande échelle", a-t-il précisé. "Il faut une vraie volonté politique" pour lutter contre le trafic d'espèces protégées, a-t-il souligné ce mardi sur franceinfo, alors que les pays concernés auraient tout intérêt à développer l'éco-tourisme, une opportunité selon lui, saisie il y a trois ans au Népal par exemple. L'ONG appelle les États et l'Unesco à agir au plus vite.
Franceinfo : Comment se fait-il que ces sites protégés et classés sont menacés par des industries ?
Pascal Candin : On ne peut pas imaginer un classement plus prestigieux que celui de l’Unesco. La moitié de ces sites sont menacés parce qu’ils ne sont pas protégés dans les faits. Ils sont menacés par les industries extractives, les mines, le pétrole, le gaz qui saccagent la barrière de corail. Un tiers des ces sites sont par ailleurs menacés par du braconnage à très grand échelle, c’est l’un des plus grands trafics illégaux de la planète, de tigres, de rhinocéros ou d’éléphants. Les gardes en sont aussi les victimes : 600 gardes ont été tués ces dernières années par les braconniers.
Les autorités ne tiennent donc pas compte dans certains pays du classement de l’Unesco ?
En effet, c’est un classement de papier. Il est prestigieux, mais dans la réalité, tous les trafics continuent et dans certains cas, les autorisations légales sont données. C’est pour cela que l’on se bat pour que cette protection soit respectée. Alors que faut-il faire ? D’abord, avoir une vraie volonté politique et quand il y a une vraie volonté politique locale, cela fonctionne. On donne l’exemple dans ce rapport du Népal, où ça fait près de trois ans, qu’il n’y a pas eu une seule espèce braconnée, parce que le pays a compris qu’il avait plus à gagner en protégeant et en faisant de l’éco-tourisme qu’en laissant la porte ouverte à travers différentes mafias et formes de corruption à toutes les formes de trafics imaginables.
On n’oppose pas le développement économique de ces pays qui en ont besoin et la protection de la nature et des espèces les plus emblématiques, au contraire. On démontre dans ce rapport, cas concrets à l’appui, que ces pays ont beaucoup plus à gagner à bien protéger et à générer des filières d’éco-tourisme avec les rhinocéros, les girafes et les éléphants. Cela génère en effet des recettes fiscales, des emplois légaux, alors qu’en face, c’est un trafic illégal, qui engendre des morts.
Quels sont au contraire les mauvais élèves ?
Malheureusement encore en Afrique, de nombreux pays ne voient pas l'éco-tourisme comme une opportunité. En Tanzanie, l’une des plus grandes réserves historiques a vu plus de 90% de ses éléphants disparaître depuis son classement à l’Unesco. On estime dans ce rapport que cela correspond à près de 25 millions de dollars de manque à gagner liés à la non-présence des éléphants, donc à la non-activité légale qui pourrait se déployer sur cette réserve. Quand les États veulent vraiment protéger, cela marche. L’Unesco doit aussi agir, par exemple en déclassant les pays concernés. Cela leur ferait perdre le prestige. Ce serait un signal d’alerte pour ces pays.
Depuis 40 ans, près de 60 % des populations d'animaux sauvages sur la Terre ont disparu. Si on continue à ce rythme, on risque de voir un monde où il n'y aura plus d'éléphants, plus de tigres, plus de rhinocéros, et plus de forêt tropicale. Est-ce que c'est ce monde-là que l'on veut transmettre à nos enfants ? Si ce n'est pas le cas, il faut agir maintenant et pousser les États et l'Unesco à agir.
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