La France envisage d'interdire un pesticide nuisible aux abeilles
Une étude révèle que le Cruiser OSR, utilisé sur le colza, est responsable de la surmortalité de cet insecte butineur. Le ministère de l'Agriculture pourrait prendre des mesures restrictives avant l'été.
Le Cruiser OSR, pesticide très utilisé dans le monde, est nuisible aux abeilles, pollinisatrices de cultures indispensables à la biodiversité. C'est ce que révèle une étude française, publiée jeudi aux Etats-Unis. Le ministère de l'Agriculture a annoncé jeudi soir qu'il envisageait d'interdire ce pesticide, fabriqué par le groupe suisse Syngenta.
Qu'est ce que le Cruiser OSR ?
Le Cruiser OSR est un produit fongicide et insecticide qui enrobe les semis de colza. Cet enrobage doit notamment protéger la plante contre les fontes de semis (pourrissement), le mildiou (moisissure) et contre les pucerons. Dans sa composition, l'insecticide principal, le thiamethoxam (de la famille des néonicotinoïdes) est neurotoxique. Il agit sur le système nerveux central des insectes nuisibles, comme les pucerons. Le thiamethoxam est déjà interdit en Allemagne, en Slovénie et en Italie. Syngenta, le producteur suisse du pesticide, reconnaît d'ailleurs sur son site internet que le Cruiser OSR peut être "dangereux pour les abeilles".
Que montre l'étude publiée ?
Une équipe française de l'Institut national pour la recherche agronomique (INRA) d'Avignon a prouvé que le Cruiser OSR désorientait les abeilles, dans une étude publiée dans le magazine américain Science. Elle a placé une puce de géolocalisation sur les insectes étudiés, donné à certains une dose de thiamethoxam, et constaté qu'ils avaient du mal à retrouver leur ruche. Ne pouvant survivre hors de leur colonie, de nombreuses abeilles sont mortes. A partir de ces résultats, un modèle mathématique a prédit que les populations d'abeilles exposées au pesticide chutaient à un niveau ne permettant plus leur rétablissement.
Une autre équipe, britannique, a exposé des colonies de jeunes bourdons à de faibles taux d'un autre pesticide de la même famille (l'imidaclopride). Les chercheurs ont placé les colonies dans un terrain clos où les bourdons ont pu s'alimenter normalement pendant six semaines. En pesant les nids, les chercheurs ont constaté que les colonies exposées avaient pris moins de poids que les autres, laissant penser que ces bourdons s'étaient moins nourris. A la fin de l'expérience, ces colonies étaient de 8 à 12% plus petites en moyenne que celles non exposées et avaient produit 85% de reines en moins, soit autant de colonies de moins l'année suivante, selon l'étude également publiée dans Science.
Quelles conséquences pour l'environnement et pour l'homme ?
La mortalité des abeilles est en forte progression depuis les années 1980. Jusqu'à présent inexpliquée, ou attribuée à de multiples facteurs, cette mortalité pourrait avoir de graves conséquences sur la production alimentaire. En effet plus de 70% des cultures (fruits, légumes, oléagineux et protéagineux, épices, café et cacao, soit 35% de ce que nous mangeons) dépendent d'une pollinisation animale. Un quart des cultures pourraient s'en passer (blé, maïs et riz).
Vers une interdiction en France ?
Depuis 2009 au moins, les apiculteurs dénoncent le Cruiser OSR et tentent d'alerter l'Agence nationale de sécurité sanitaire. Les études française et britannique viennent donc étayer leur thèse. Le ministère de l'Agriculture, a annoncé, jeudi 29 mars, qu'il envisageait d'interdire le pesticide de Syngenta. Le ministère a souligné qu'il attendait un avis de l'Anses sur cette étude d'ici à la fin mai, "avant la nouvelle campagne de semences en juillet". "Si ces nouvelles données étaient confirmées, l'autorisation de mise sur le marché" du Cruiser OSR, utilisé sur le colza, "serait retirée", selon le ministère.
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