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Congrès mondial de la nature : une forêt primaire, "c'est le summum de l'écologie", selon le biologiste Francis Hallé

Il ne reste qu'une forêt primaire en Europe, la forêt de Bialowieża. "Mais il faut se dépêcher parce qu'elle est terriblement menacée par le gouvernement d'Andrzej Duda de Pologne", alerte Francis Hallé.

Article rédigé par franceinfo
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Forêt - Photo d'illustration (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Alors que s'est ouvert vendredi 2 septembre à Marseille le congrès mondial de la nature (UICN), une initiative a été lancée en Europe il y a deux ans : recréer une forêt primaire sur plusieurs pays.

"C'est le summum de l'écologie", a affirmé vendredi sur franceinfo Francis Hallé, biologiste et botaniste, spécialiste des arbres et des forêts tropicales, qui a fondé l'association pour une forêt primaire. 

Cette forêt qui mettra "entre cinq et neuf siècles" pour se développer, permettra d'installer un "maximum de biodiversité". "On a besoin d'avoir un truc comme ça en Europe", insiste-t-il.

franceinfo : Vous avez fondé il y a deux ans l'Association Francis Hallé pour une forêt primaire. Qu'est-ce qu'une forêt primaire ?

Francis Hallé : C'est une forêt qui n'a jamais été abîmée, qui n'a jamais été exploitée, qui n'a jamais été défrichée. Si elle l'a été, un temps suffisant s'est écoulé pour qu'elle redevienne primaire. La seule en Europe, c'est Bialowieża, à la frontière entre la Pologne et Biélorussie. Mais il faut se dépêcher parce qu'elle est terriblement menacée par le gouvernement d'Andrzej Duda de Pologne. Elle est protégée. Mais le gouvernement s'en fout.

Depuis quand ces forêts primaires ont-elles quasiment disparues en Europe ?

La déforestation a commencé dès l'arrivée de l'être humain et cela s'est terminé en 1850, à la moitié du XIXe siècle. On avait encore des fragments de forêt primaire. Mais maintenant, il n'y a plus que celle de Pologne.

A quoi cela servirait-il d'avoir une forêt primaire ?

C'est très important de comprendre que c'est le summum de l'écologie. C'est le maximum de captation du CO2. C'est le maximum de stockage du carbone. C'est le maximum d'infiltration de l'eau dans le sol. Donc on n'a plus les glissements de terrains épouvantables, comme on en a vu en Allemagne récemment. C'est aussi le maximum de biodiversité. Et en plus c'est le maximum de beauté. Je pense qu'on a besoin d'avoir un truc comme ça en Europe.

Comment fabrique-t-on une forêt primaire ?

On ne la fabrique pas parce qu'elle se fait toute seule. Si vous plantez des arbres, cela fait une plantation, cela ne fait pas une forêt. Donc, on laisse le terrain en libre évolution et la forêt travaille pour elle-même.

Combien de temps cela prend-il pour avoir une forêt primaire ?

C'est difficile à dire parce que cela dépend de l'âge de la forêt sur la parcelle de départ. Le total, c'est entre cinq et neuf siècles. Ce n'est pas très long. Si vous parlez de neuf siècles à un géologue, pour lui, c'est un clin d'œil. Et puis, ce n'est pas un choix, c'est le tempo de travail des arbres de chez nous.

Dans quel espace est-ce que vous imaginez possible la mise en place d'une forêt comme celle-là ?

Il y a plusieurs solutions. Cela va être transfrontalier entre la France et un de ses voisins européens. On a été voir les Vosges et le Palatinat allemand. Bientôt, on va aller voir les Ardennes entre la France et la Belgique. Et puis, il y aura une solution aussi entre la France et la Suisse et entre la France et l'Espagne. Il y a encore des possibilités. C'est 70 000 hectares. C'est un carré de 26 km de côté. Je ne trouve pas que cela soit immense. Et là aussi, ce n'est pas un choix. Cela nous est édicté par la grande faune. Parce que pour qu'une forêt soit primaire, il faut qu'elle comporte toute la faune, les petites bêtes et les grosses bêtes.

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